Huiles essentielles de Savia Ibera : thym et lavandin (2/3)

Je suis heureuse de continuer de vous parler du travail de Savia Ibera. J’ai écrit sur la distillation de la mélisse ici et maintenant, je vais vous raconter de belles histoires autour d’huiles essentielles emblématiques du pourtour méditerranéen.

Histoires autour d’huiles essentielles

Je vous livre ici des histoires que je trouve absolument délicieuses et dignes d’être racontées (oui j’adore les histoires). Selon moi, cela participe à la mise en valeur de ces artisans de la terre qui valorisent les plantes locales et qui ont à cœur de préserver les patrimoines botanique et historique.  

Mais avant de commencer, je vous préviens. Même si ce n’est pas le but de ce blog, j’aborde quelques notions de chimie notamment de chémotype pour mettre en perspective les histoires qui vont suivre. Je vous invite donc à vous reporter autant que possible au glossaire où j’ajoute les définitions pertinentes au-fur-et-à-mesure. 

Préambule sur le chémotype (CT)

Ici, on touche à un sujet compliqué. Le chémotype … ou le type chimique. Autrement dit, c’est comme une carte d’identité qui permet de différencier les huiles essentielles extraites de la même plante contenant une entité chimique distincte prépondérante. Les composants biochimiques et aromatiques d’une plante varient en fonction de divers éléments comme l’origine géographique, l’altitude, le sol, l’ensoleillement, l’humidité, etc… 

Silvia dit très clairement que “c’est une manière pratique et efficace pour ranger la biodiversité chimique dans des tiroirs ». Chacun de ces tiroirs est associé à « des bénéfices et effets thérapeutiques concrets ». 

Connaître le chémotype d’une plante permet donc d’éviter un mauvais usage d’une huile essentielle. Les différences chimiques ont des conséquences thérapeutiques qui peuvent diverger. 

Mais, il faudrait bien ne pas jurer exclusivement par ce rangement officiel dans des tiroirs officiels…

Huiles essentielles de Thym (Thymus vulgaris)

Qui ne connaît pas le thym ? 

Plante méditerranéenne par excellence, le thym est un habitué de notre culture et de nos plats. Très résistant, aromatique et résilient, il pousse dans des conditions souvent extrêmes : garrigue, sol sec, dur et rocailleux. Le thym se lignifie, il est bas, un peu rabougri. Quand on voit du thym sauvage, accroché entre 2 rochers, il nous dit (et je reprends les termes de Michel Faucon) : « Je veux vivre ». 

Ces rudes conditions confèrent généralement à L’huile essentielle de thym une odeur puissante, forte, qui peut piquer la gorge. Très « terre », elle descend dans le physique. On ne s’envole pas en sentant une huile essentielle de thym. 

Le thym possède plusieurs chémotypes : CT carvacrol, CT thymol, CT linalol, CT thujanol … Chacun d’entre eux possède des « compétences » différentes et l’un ne peut pas forcément remplacer l’autre. Et certains sont plus dermocaustiques et hépatotoxiques que d’autres si mal utilisés. 

Savia Ibera récolte deux thyms issus de deux endroits distincts mais dans la même zone géographique cependant à des altitudes différentes. Et le résultat est réellement sans comparaison possible. Allons-voir cela de plus près. 

Savia Ibera – Hydrolat de Thym

Un thym riche en thymol et pourtant…

Savia Ibera n’a pas donné de nom particulier à ce thym. Il provient d’une collecte sauvage issue d’une zone semi-aride à 320 m d’altitude (dans la commune de Ilche, Huesca). Il se démarque par sa richesse en thymol (selon chromatographie 2021) : 31,15%. 

Et pourtant, il ne peut pas être considéré comme thym à chémotype thymol car sa teneur ne correspond pas exactement aux normes en vigueur (situées entre 37 et 55%). Ce thym riche en thymol ne rentre pas dans les cases administrativement « admises ». 

Cela n’empêche : sa molécule majoritaire est le thymol (de la famille biochimique des phénols) ce qui indiquera plutôt une action très anti-infectieuse.  

Je précise que le thym à thymol est le plus répandu, on le retrouve partout et c’est probablement celui que vous avez dans votre jardin et que vous utilisez en cuisine. 

Le thym « hoz » ou un mini tea tree

 L’histoire spéciale du thym « hoz »

A sa découverte, Silvia et Kurt avaient subodoré que ce thym était différent. En parlant avec des femmes vivant sur ses terres, ils ont eu la confirmation que ce thym était cueilli depuis des générations pour ses vertus médicinales douces. 

Et la chimie a parlé effectivement, dévoilant un profil très différent (grâce à la chromatographie) comparé à un thym à thymol. 

Le profil du thym « hoz »

Le nom « hoz » sert à différencier cette huile essentielle par rapport à l’autre. Il fait non seulement référence au mot « serpe » en espagnol mais aussi au nom de la commune sur laquelle il pousse. Ramassé un peu plus en altitude que le premier (à 500m) avec un climat légèrement plus humide, il s’agit d’une cueillette sauvage, durable et manuelle (à la serpe donc). 

C’est un thym très doux, légèrement fruité et citronné. Antonia Jover, aromatologue espagnole (que j’ai présentée ici) le préconise chez les enfants pour sa grande douceur. 

Son profil chimique est très différent du thym à thymol. En effet, pour celles et ceux qui connaissent un peu la chimie des huiles essentielles, il a une composition très riche en terpinene-4-ol :10,31% (famille biochimique des monoterpénols), ce qui le rapproche d’un … arbre à thé (Melaleuca alternifolia), le fameux tea-tree (même si ce dernier a une teneur en terpinen-4-ol plus élevée). En revanche, de thymol, seulement une petite trace de 0,65%. 

La ressemblance du thym « hoz » et du tea tree s’arrête presque là. En effet, les effets observés par Savia Ibera et quelques professionnels constatent pas mal de similarités dans ses actions. 

Remarques supplémentaires sur le thym 

La différence d’altitude joue certainement un rôle déterminant dans l’expression chimique des 2 plantes. Plus on se situe vers le niveau de la mer, plus les plants de thym développent des phénols, des molécules qui leur permettent de résister aux conditions de chaleur et de sécheresse. Ici, notre thym à thymol pousse donc à 320 mètres tandis que notre thym à terpinène-4-ol se situe 180 mètres plus haut. Déjà, ce dernier s’élève vers quelque chose de plus doux et aérien. 

Savia Ibera Huile essentielle de thym
La plante locale et ses bienfaits

Savia Ibera est persuadé que les plantes locales offrent aux populations autochtones les recours naturels dont elles ont besoin. Pourquoi aller chercher loin ce que la nature nous offre si généreusement à nos pieds ? Chaque plante dans chaque lieu de la planète a son équivalent ailleurs.  

Cela serait assurément passionnant d’étudier ce thym « hoz » de manière approfondie. Lier l’idée de « produit local » et de proximité à la conscience medio-environnementale, ne serait-ce pas remettre de la raison dans un acte d’achat ? 

Mais devant ce vaste sujet, je vous propose de passer maintenant aux histoires d’huiles essentielles de lavandin. 

Huiles essentielles de Lavandin 

Préambule sur la lavande et le lavandin

Il faut savoir que le lavandin est un hybride issu de la lavande vraie (Lavandula angustifolia) et de la lavande aspic (Lavandula latifolia). 

La lavande vraie est reconnue pour être une grande calmante, comme une mère douce qui soigne, elle aura davantage d’indications sur le système nerveux. 

En revanche, la lavande aspic a un côté plus aspre, plus piquant, car elle contient davantage de camphre. C’est celle que l’on utilisera en priorité pour les piqûres ou brûlures en tout genre.  Elle a un côté plus yang, plus masculin en somme. Le père.

Le résultat de l’hybridation entre la mère, la lavande vraie et le père, la lavande aspic a donné naissance au lavandin. 

Savia Ibera distille 3 lavandins différents et se base sur leur profil chimique (donc la chromatographie) pour les distinguer les uns des autres et faire émerger une famille de lavandins. Une famille dans le sens plutôt anecdotique mais qui a le mérite de sentir bon !

Savia Ibera – Champs de lavandin – Credit photo @SaviaIbera

Le lavandin super : la mère

Il se rapproche chimiquement de la lavande vraie (grâce à ses esters notamment acétate de linalyle 36,3%). C’est donc le plus calmant. Il est excellent comme anxiolytique naturel en cas de stress, insomnie, nervosité … Il est récolté à 940 m d’altitude. 

Savia Ibera l’apparente donc à la « madre », la mère qui soigne, qui est douce et qui prend dans ses bras. 

Les lavandins « Saba » et « Suertes » : le père et le grand-père 

Savia Ibera les a nommés ainsi pour les différencier l’un de l’autre. Ils sont davantage proches de la lavande aspic et ont des caractéristiques communes.

  • Le nom « Saba » signifie « savia » (sauge) dans le dialecte aragonais. Il n’a pas le caractère tranquillisant et anxiolytique du lavandin super. 

Il est moins fort aromatiquement que le lavandin Suertes, c’est donc « el padre », le père. Et son effet calmant est à mi-chemin entre la mère et le grand-père lavandin.

  • Le nom « Suertes » provient du terrain où le lavandin pousse : Suertes Viejas. C’est le plus intense et le plus « ensauvagé ». Ils l’appellent « el abuelo », le grand-père. Des 3 lavandins, le Suertes est le plus aromatique et le plus intense. Et le moins calmant. 

La différence fondamentale entre Saba et Suertes est donc simplement au niveau aromatique, le Suertes étant plus fort. Les 2 sont de bons décontractants et analgésiques musculaires et sont récoltés à environ 330m d’altitude.

En revanche, si vous aviez devant vous 1 des 3 lavandins proposés par Savia Ibera, leur efficacité pour repousser les moustiques, pour soulager les piqûres ou des eczémas, est à peu près équivalente. 

Savia Ibera – Silvia dans sa cueillette de Lavandin, avant distillation

Je terminerai ces histoires sur les huiles essentielles avec celle de romarin. Mais, cela attendra la partie finale, la troisième consacrée à nos aventuriers de la terre ibérique, Silvia et Kurt! Et oui, il y a tellement d’information à ingurgiter que je préfère faire durer le plaisir plutôt que de vous déballer tout d’un coup.

Alors, vous vous tenez prêt(e)s pour la suite et fin ? Mais avant cela, la semaine prochaine, on refait un tour en Corse chez Vitalba à la découverte d’autres huiles essentielles. Il n’y a pas que l’hélichryse en Corse 😉

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