Carnet de voyage à Madagascar – Histoires d’huiles essentielles (2/2)

Voici la deuxième partie de mon Carnet de voyage à Madagascar. Je vous avais promis des histoires d’huiles essentielles dans cette suite. Deux anecdotes plutôt que je souhaitais partager ici.

Géranium rosat et distillerie en bord de route

Sur la route entre Mananjary et Ambositra, Lova s’est arrêté sur le bord de la route. Y trônait une distillerie faite de bric et de broc, loin des standards d’hygiène que nous connaissons en Europe. Une distillation de géranium s’achevait. Le sol était jonché de petites branches de géranium vert tendre. A voir l’installation, je me suis demandée combien de temps faudrait-il avant que le sol ne l’engouffre ? Jugez-en par vous même, la photo est parlante.

J’avoue que je ne me suis pas risquée à acheter son huile. En effet, des flacons étaient disposés sur des étagères en bois. Mais je ne l’ai pas senti comme on dit. Enfin si je l’ai sentie et n’ai pas été convaincue. D’ailleurs, doit-on forcément acheter lorsqu’on est soi-disant touriste ? Je soulève cette question ici. Je me suis dit que non en fait: rien ne m’obligeait à le faire même par complaisance. En revanche tout me poussait à interroger ce producteur/ distillateur (par l’intermédiaire de Lova toujours, en plus de guide et chauffeur, il était aussi notre traducteur!).

Distillerie de bord de route
Distillerie de bord de route entre Mananjary et Ambositra

Qui achète tes huiles essentielles ?

 « Qui achète tes huiles essentielles ? Et vis-tu correctement de la production de tes huiles ? ». Sa réponse a été celle-ci : « Des gens de Tana viennent et achètent. Il y a un an, ils m’achetaient le kilo 1 million d’ariarys (soit 250 euros). Aujourd’hui, ils nous achètent le kilo 250.000 ariarys (soit 62,5 euros) ». Petite précision supplémentaire : ce producteur/ distillateur a un rendement de 500 ml d’huile pour 500 kilos de géranium rosat distillé. Et donc, répétons encore que pour avoir 500 kilos de plantes, il en faut donc beaucoup, des plantes ! Par conséquent, beaucoup de travail en amont de la distillation pour un profit ridicule.

Nous avons repris la route, non sans avoir donné un petit billet au passage, et de suite j’ai noté dans mon carnet ce que je venais d’entendre. Cela confirmait l’opacité dans laquelle nous nous trouvons face à la traçabilité. Je pense pouvoir dire que c’est la même chose pour la viande de supermarché (que je ne mange jamais).

Un prix diminué par 4

C’est celle-là la réalité : un prix diminué par 4 et des gens de plus en plus pauvres face à d’autres de plus en plus riches. Sans aucune explication ni raison valable. De toute façon, ces paysans n’ont pas le choix et les acheteurs le savent. 

Y-a-t-il une volonté de maintenir les gens dans la précarité ? C’est certain. J’ai comme l’impression que cette volonté est d’ailleurs généralisée. Encore une fois, il n’y a pas que Madagascar qui est plein de paradoxes, il faut en général balayer devant sa porte. Néanmoins dans la situation présente, cela est suffisamment éloquent pour le rapporter. Pour nous tous, les amoureux de l’aromathérapie. Il est important de savoir (ou de savoir qu’on ne sait pas) pour faire des choix raisonnés et justes.

Puis, je me demande : que deviennent ces huiles une fois à Tana ? Où vont-elles ? Dans quels mélanges se retrouvent-elles ? A quelles reconstructions d’odeurs participent-elles ? Je n’aurai jamais la réponse, je le sais à l’avance.

Mes sourcils ne font que se lever, dubitatifs. 

Les photos suivantes ont été prises auprès d’une autre unité de distillation de bord de route. Il n’y avait personne à part nous. Vous voyez le côté non règlementaire ?

Voici mon deuxième exemple. Parlant et tout aussi rageant. 

 Citronnelle de Madagascar à Mananjary

Contact et distillation 

Par les hasards du voyage, nous avons été en contact avec une société américaine de production d’huiles essentielles dont je ne donnerai pas le nom. C’était à Mananjary. Les curieux pourront chercher. Quoi qu’il en soit, le site internet présente cette société sous ses plus beaux contours : un discours bien rodé, une société qui œuvre pour le bien-être de ses producteurs, leur assurant des revenus décents. Vous voyez le genre ? 

Nous avons émis notre intérêt de visiter les installations et éventuellement participer à une distillation. Mais nous avons reçu une fin de non-recevoir. 

Préservation du secret de production ? Mais on le connait déjà le secret : cela s’appelle la distillation ! Avec un alambic et de la vapeur d’eau. Pas grand-chose de neuf … Je suis ironique, vous le sentez ? C’est vrai mais cela m’a agacée. Attendez la suite. 

Pour distiller, il faut aussi des plantes. Et donc des producteurs (et des cueilleurs). 

Producteur de citronnelle de Madagascar

La réalité m’est apparue en pleine face le lendemain. Nous avons eu le bonheur de passer une magnifique journée en compagnie de Stéphane, agriculteur le jour et gardien au Lodge où nous logions la nuit. Une des plus belles journées de mon séjour à Madagascar (merci Annick et Lova). 

Madagascar - plantation
Avec Stéphane, producteur, Murielle Bebrone, Carole ma maman, Lova, Annick et moi

Stéphane a insisté pour nous montrer sa parcelle de Citronnelle (Cymbopogon citratus). Une belle parcelle avec de la citronnelle bien haute, bien grasse, bien odorante. Et il dit à Annick en malgache qui nous traduit : 

« La société x (la même que la veille) m’a demandé de leur cultiver une parcelle. Mais ils ne m’ont pas acheté ma production. Ils m’ont dit que ce n’était pas rentable ». 

Encore une autre réalité de ce monde des huiles essentielles. Business is business quoi qu’en dise un site internet tout beau tout mignon. Le bien-être du producteur, finalement, devient tout de même le cadet des soucis de ces rapaces. Et voilà Stéphane avec sa production de citronnelle ne sachant qu’en faire. 

Stéphane est désabusé. La solution pourrait être de la proposer sous forme de plante sèche aux habitants déjà, les locaux qui raffolent de la citronnelle. Autant valoriser les produits locaux auprès des locaux. Puis de les vendre dans les pharmacies, épiceries locales ou tradipraticiens. 

Voilà, vous comprenez mes interrogations ? Je souhaitais partager tout cela avec vous : il me semble que c’est important de ramener ce que nous pouvons RESSENTIR d’une réalité que nous ne COMPRENONS PAS. Mais que nous VIVONS ne serait-ce qu’un petit peu.

Impressions de voyage à Madagascar : conclusion

Je pourrais continuer encore. Il y a certainement beaucoup de choses que je n’ai pas racontées. De toute manière, je reviendrai avec les portraits des femmes et homme que j’ai évoqués. Finalement, les avoir rencontrés est bien la plus belle chose de mon voyage. 

Je fais le choix de les raconter elles / lui car c’est l’objet de mon blog. Mais de belles personnes, à Madagascar, il y en a beaucoup et toutes mériteraient d’être mises en lumière. 

C’était mon premier voyage là-bas mais je crois pas mon dernier. J’ai envie de creuser et de vivre de l’intérieur une plantation. De m’immerger encore davantage dans les plantes, les distillations et de vivre cette nature à fond. C’est drôle comme Madagascar s’est imposée à moi lors de ces derniers mois. En même temps, l’aromathérapie est intimement liée à cette Terre. Lorsqu’on est passionnée par les huiles essentielles, Madagascar devient un incontournable. Faisons tout pour respecter ces huiles qui viennent de si loin. Ayons conscience de cette valeur que nous tenons entre nos mains, ces flacons pleins de vie battante made in Madagascar. Et de ces histoires de Femmes et d’Hommes qui font cette aromathérapie qui nous fait tant de bien.

Une fois n’est pas coutume, j’attends vos commentaires et réactions !

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6 Replies to “Carnet de voyage à Madagascar – Histoires d’huiles essentielles (2/2)”

  1. Ce 2ème article m’émeut au plus haut point et je me félicite de t’avoir laissée observer les choses dans l’ici et maintenant avec les locaux à qui j’ai eu raison de faire totalement confiance ! Tu as compris le combat que je mène depuis 10 ans sur cette RDP afin de mettre en valeur notre patrimoine à la fois humaine et immatériel ! Poursuivons ensemble ce chemin initiatique ! Essentiellement vital

    1. Merci pour ce témoignage Didier, j’ai eu le nez creux alors 🙂 Mes observations sont loin d’être vides de sens ! Dans l’Ici et Maintenant toujours 🙂

  2. Excellente idée le portraits des personnes locales en aromathérapie 😉. J’aimerais découvrir les femmes dans le monde de l’aroma à Mada également .

    1. Merci Géraldine pour ton retour, oui bien des choses encore à raconter !!! Il faut y retourner à Mada ! ensemble la prochaine fois ??

  3. Merci pour ce magnifique partage de senti et ressenti de l’Essence de cette Grande Ile.

    1. Merci Nirina, et en très bonne compagnie avec Annick 🙂

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