Il est temps que je partage mes impressions de voyage Ă Madagascar. Je suis revenue dĂ©but du mois de novembre 2022 ! Je voulais ces impressions gĂ©nĂ©rales et c’est l’objet de cette première partie. Dans la deuxième partie, je vous parlerai de deux anecdotes assez Ă©loquentes concernant la production d’huiles essentielles.
Je tiens à préciser que ces impressions sont subjectives et n’engagent que moi. J’ai écrit cet article un peu au fil de l’eau sans vraiment penser à une construction adéquate. Mes pensées m’ont guidée et je les ai laissées faire. Néanmoins, j’ouvre des pistes de réflexion car beaucoup de questions restent sans réponses. Et ce n’est pas grave, l’important c’est le chemin. Ce voyage est une histoire humaine avant tout.
Dans ce voyage, ma mère Ă©tait Ă mes cĂ´tĂ©s. Je lui tire mon chapeau : une vraie baroudeuse. Je suis très fière d’elle car voyager Ă Madagascar n’est pas de tout repos. Mais bon pied bon Ĺ“il, ma petite mère. Puis comment ne pas mentionner notre compagne de voyage: Murielle Bebrone ? De la dynamite belge qui n’est pas tombĂ©e dans l’alambic d’huile essentielle quand elle Ă©tait petite (rĂ©fĂ©rence Ă notre ami ObĂ©lix) mais c’est tout comme ! Une vĂ©ritable passionnĂ©e et super autodidacte, Murielle nous a diverties avec ses percussions corporelles aromatiques et son franc-parler.
Peuple malgacheÂ
Le peuple malgache est métissé, coloré, incroyablement diversifié. Une multitude d’influences se côtoient en une variété de couleurs et de physionomies : Inde, Indonésie, Afrique, Chine. L’Histoire Humaine dans toute sa splendeur.
Des femmes joliment habillées, la tête surmontée d’un chapeau de paille délicatement tressé. Toujours élégantes et dignes. Des pros du port de panier perché haut sur la tête de manière négligée. Des as du fil à coudre et de la fibre végétale tressée. C’est un peuple souriant et accueillant malgré leurs turpitudes de vie.
Artisanat
Des hommes qui manient l’aluminium et sa fusion à 800° allègrement avec les pieds nus, sans hésiter. Ils créent des objets avec du sable, de l’alu recyclé issu de vieilles guimbardes, du bois. Des gestes mille fois répétés et parfaitement réalisés. Des gens doués de leurs mains et de leurs pieds. De vrais artisans dans tout le sens du terme: bois, métal, végétaux, on peut tout faire avec tout. Les Malgaches le savent bien. Et le font bien.
Marcher, condition humaine
En Occident, la marche est considérée comme un loisir, voire un luxe, une manière d’échapper du quotidien. Marcher est lié à la contemplation, à la reconnexion avec la nature, à l’émerveillement. Dans notre monde digital, même des applications comptent les pas car la marche est également associée au maintien d’une bonne santé.
Oui mais « marcher, c’est retrouver des rythmes qui sont ceux de la condition humaine » comme le dit l’anthropologue David Lebreton. Les Malgaches marchent. Partout, de jour comme de nuit. Ils marchent, pieds nus ou pas. Marcher, c’est la condition humaine des Malgaches. Quand il n’y a pas le choix, il reste les jambes. Les Malgaches marchent beaucoup et longtemps. Et lorsque certains marchent, d’autres pédalent mais sur vélo rouillé.
Le peuple malgache est fin et élancé. L’obésité n’est pas endémique à Madagascar.
Deux mondes qui s’opposentÂ
Madagascar est loin des standards européens. Pour vous dire, un euro équivaut à peu près à 4000 aryars. L’Europe, ou l’Occident face à Madagascar, ce sont deux mondes qui s’opposent. Il faut savoir qu’être Vazaha, un étranger, est synonyme de richesse. Imaginez un peu vos 300 euros changés en aryars : cela fait de vous un millionnaire. Pas mal, non ?
La vision des Malgaches sur le Vazaha n’est pas glorieuse. Le Vazaha est nanti, consommateur et négligent. Il achète, jette et achète de nouveau. Ce n’est certainement pas tout à fait faux d’ailleurs. Il y a toujours une part de vérité dans ces idées préconçues. Néanmoins, la pauvreté extrême existe aussi en Europe. Combien de familles en Occident ne peuvent boucler la fin de mois et payer leurs charges ?
L’éducation des enfants reste une priorité. Mais qu’en penser quand ce sont les instituteurs eux-mêmes qui manquent de perspective et répètent ces mêmes clichés ? On me l’a dit. Je ne l’invente pas. Ou comment faire perdurer des idées fausses sans essayer de comprendre (cela s’applique à tout le monde, blanc ou noir, en Occident ou ailleurs).
Ce pays aux multiples contrastesÂ
Une terre abondanteÂ
Une nature explosive, grasse, verte et généreuse. Une terre abondante où tout pousse. Cette terre qui nous donne tant de magnifiques huiles essentielles. Un terroir magique qui confère aux plantes des propriétés spécifiques et thérapeutiques de haute qualité.
Il y a profusion de denrées toutes aussi fraîchement cueillies qu’appétissantes. Les arbres fruitiers dégueulent leurs fruits : mangues, litchis, papayes, pommes cannelle, jaquier, etc. J’ai aimé ces fruits et légumes frais et colorés disposés en petits monticules dans leurs jolis paniers tressés. Ici, le « bio » n’a aucun sens, dans le sens où c’est bio par essence.
Dans les rizières
Dans les rizières, femmes et hommes courbés pour repiquer les plants de riz. Un à un et en rang parfaitement ordonné. Il y règne un savoir-faire indéniable. Le système d’irrigation est pensé, maîtrisé et actionné par la main de l’homme. Mais attention ! Ce système est creusé manuellement : des sillons lacèrent profondément les contours des parcelles. On n’actionne rien par le simple maniement d’une manivelle, ce n’est pas automatique telle une écluse. Ça se fait à la pelle et à la force des bras.
Et pourtant, malgrĂ© ces richesses et cette abondance dans tous les coins, la rĂ©partition de celles-ci semble inexistante, mal faite ou … volontairement bloquĂ©e ? Et Ă quel prix toute cette sueur ? Les Malgaches ne mangent guère Ă leur faim et certaines rĂ©gions subissent la famine.
Agriculture: techniques agraires
Pour apporter quelques Ă©lĂ©ments de rĂ©ponse, ou tout du moins de comprĂ©hension, voici ce qu’un propriĂ©taire terrien et producteur de la rĂ©gion de Manakara nous a dit. Selon la FAO, un agriculteur en AmĂ©rique fait vivre 2000 personnes. En Europe, 500 personnes et Ă Madagascar 0,8 personne… C’est-Ă -dire que l’agriculteur ne subsiste mĂŞme pas Ă ses propres besoins.
Le problème majeur rĂ©side dans le rendement de la surface de culture. Il y a trois manières de procĂ©der : la culture mĂ©canique, celle avec atelier tirĂ© par des animaux et la manuelle… A Madagascar, le fait est qu’on en est encore Ă la culture manuelle. Ce propriĂ©taire terrien/ producteur l’appelle le « complexe du modernisme ». D’oĂą ces hommes et femmes courbĂ©s dans les champs Ă replanter un Ă un leurs plants de riz. Techniques agraires d’un autre temps au rendement bas.
Puis, la profusion de végétaux est une chose. Néanmoins, les zébus ne poussent pas aux arbres et les poulets non plus. Les sources de protéines sont rares ou chères.
Cela ressemble Ă un cercle vicieux, non ?
Vendeurs ambulantsÂ
Il y a des vendeurs ambulants tout le long des routes. L’unique possibilité de gagner quelques sous réside dans la vente de la production du jour. Malheureusement, j’ai vu trop peu de véhicules s’arrêter pour acheter. Et nous, que pouvions-nous faire de bottes d’oignons et de kilos de pommes de terre ?
Si j’avais pu, je les aurais achetĂ©s mais qu’en aurais-je fait ensuite ? Le rĂŞve, ces produits frais et beaux disponibles Ă tout coin de rue. Et super « biologiques » par-dessus le marchĂ© ! Je n’avais simplement pas ma cuisine sous la main …
Une terre malmenĂ©eÂ
Cyclones
Malgré cette abondance, cette terre subit les éléments de la nature de plein fouet. Cette terre est régulièrement malmenée. Pourtant, elle est tellement résiliente et généreuse que les traces des deux derniers cyclones sont difficiles à voir pour des yeux non avisés en tous cas. Il y a bien un giroflier gisant par-ci par-là qui témoigne de cette violence passée. Mais comparé à ce déchaînement cyclonique, un œil non averti pourrait ne rien remarquer. Enfin, sauf quand ce sont les constructions en dur qui portent encore une béance profonde.
Lors d’une des plus belles journées passées à Madagascar, j’ai traversé en pirogue le fleuve Faraony, paisible et langoureux. Fertile et tiède. Difficile d’imaginer que dix mois auparavant, il est sorti de ses gonds. En effet, Betsirai et Emnati, deux cyclones meurtriers ont emporté récoltes, girofliers, toits des maisons, engloutissant routes, champs, espoirs. Réduisant tout à boue et à néant.
Pourtant, il subsiste peu de traces de cette calamité. Je l’ai traversé, en essayant de m’imaginer ces scènes apocalyptiques. Si vous voulez avoir une idée de ce dont je parle, je vous renvoie à cet article sur Michel Sommerard (en février 2022).
Je vous mets aussi les liens vers les deux vidĂ©os que j’avais rĂ©alisĂ©es pour Michel.
https://www.facebook.com/johanne.philippe.5/videos/3176462359257149?locale=fr_FR
https://www.facebook.com/johanne.philippe.5/videos/1324949804658296/?locale=fr_FR
Lorsque j’y étais, les récoltes poussaient, la terre brillait et les champs de cacahuètes étaient verts.
Indolence malgacheÂ
L’indolence malgache est-elle due Ă ces calamitĂ©s ? Se rĂ©signe-t ’on Ă vivre sous ces menaces rĂ©pĂ©titives ? De toute manière, tout sera emportĂ© Ă la prochaine saison des pluies. Enfin… c’est la nature qui dĂ©cide. La route du cyclone n’est pas toute tracĂ©e. Croisons les doigts pour que les prochains cyclones prennent l’itinĂ©raire bis. C’est la roulette russe.
Paysages malgaches
Depuis Antanarivo, nous sommes descendus à Fianarantsao, au sud sur les Hauts-Plateaux puis avons bifurqué sur Manakara et Mananjary, situés sur la côte Est. Avant une remontée sur la capitale pour terminer en beauté sur Vohimana.
Les paysages malgaches qui se sont succédé étaient juste d’une beauté stupéfiante. Une telle variété de couleurs sur nuances de verts, d’ocre et couleur paille sur fond de ciel bleu azur et cumulus blanc pétant. Paysages à couper le souffle.
J’ai eu cette sensation d’un art de la construction étonnant. Un paysage dessiné par la main de l’homme, des terrassements impressionnants, des rizières sur toutes les surfaces possibles, brillantes et fluorescentes. On dirait de la dentelle. Sans parler de l’architecture des maisons du pays betsileo. Le Malgache a un sens de l’esthétisme inné.
Les arbres se prĂ©sentent tels des feux d’artifice, les fougères arborescentes sont aussi hautes que du temps des dinosaures (enfin j’imagine). Les gingembres sauvages poussent comme des petits pains et les niaoulis se dĂ©ploient avec grandeur. Le poivre vert se languit au bout de sa grappe et le ravintsara brille de toutes ses feuilles. Le cafĂ©ier nous offre ses fleurs froissĂ©es de jasmin et l’arbre du voyageur nous indique toutes les directions de toute sa superficie. Sans oublier les jacarandas parsemĂ©s de leurs milliers de fleurs violette. Je pourrais continuer mais les photos seront parlantes d’elles-mĂŞmes.
Cuisine malgache
C’est une cuisine simple comme je l’aime. Des plats colorés savoureux cuisinés sur le moment. Beaucoup de patience nécessaire : les délestages (coupures d’électricité) sont nombreux et non planifiés. Pour cuisiner, il faut un plan B qui s’appelle la cuisson sur feu de bois (c’est d’actualité d’ailleurs, hem).
Je pense à ce flan « duo coco » à se damner et au Koba, dessert à base de farine de riz, de beurre de cacahuètes dont je garde un souvenir ému et un goût de trop peu.
Du riz à tous les repas (ce qui était bien utile dans notre situation d’intestins occidentaux), du bouillon de poulet, des herbes « Anana » ou « Bredes », les équivalents de nos feuilles vertes en tout genre. Des épices, des mangues et bananes caramélisées, des jus de tamarin ou de mangue fraîchement pressés, du café bouilli-bouillu mais si réconfortant (bouilli heureusement d’ailleurs, nos intestins toujours..). Sans oublier les cacahuètes délicieuses, petites et dodues.
Du simple, du frais, des saveurs, cette cuisine malgache est faite pour moi.
Infrastructures et routes
Peu de routes traversent le pays. Disons que les infrastructures et routes dĂ©coupent le pays Ă la Haussman : Nord Sud, Est Ouest. Il n’y a pas d’itinĂ©raire Bis. Et au-delĂ des routes, on se trouve sur piste! Les routes sont donc très empruntĂ©es par tout type de vĂ©hicules. Cela donne un savant ballet d’engins qui tantĂ´t passent Ă gauche, tantĂ´t roulent Ă droite. Le tout bien orchestrĂ©, pas d’animositĂ© au volant. Une conduite exemplaire. Et beaucoup de nids de poule Ă Ă©viter, qui ne sont plus des nids de poule Ă ce niveau…
Les évènements climatiques n’arrangent pas l’état des infrastructures. Règne une certaine impression d’abandon. Que fait l’État ?
Néanmoins, j’ai vu des tranchées creusées le long des routes : amélioration des infrastructures ? Non : opérateur privé qui investit pour l’installation de la fibre internet.
Internet
Internet aujourd’hui est indispensable. Je crois que plus ou moins les Malgaches urbains sont tous équipés d’un téléphone portable et par conséquent, d’une connexion internet. Dans les campagnes je ne sais pas ce qu’il en est et j’avoue que je n’ai pas cherché à creuser cette question.
Néanmoins, je peux déclamer haut et fort : « Si seulement, la fibre pouvait arriver jusqu’en brousse, sur le domaine de Manahara ». Où réside Annick, une femme incroyable, une productrice d’huiles essentielles dont je suis tombée en amitié. J’y reviendrai.
Je vous raconte une anecdote à ce propos. Une rencontre avec un politicien dans un lodge où nous séjournions. Un politique au discours bien policé et à la peau du ventre bien tendue. Quand, à sa question un peu bête « mais que puis-je faire ? », je lui rétorque : « Peut-être faire en sorte qu’Annick ait une connexion à internet depuis sa plantation ? ».
C’était plus de l’ironie qu’autre chose. Car en attendant, Annick n’est pas joignable et vit en brousse loin de ses proches et risque aussi sa vie (le vol de vanille et de cannelle est un fléau, l’appât du gain est terrible).
Des femmes et des hommes
J’ai rencontré de belles personnes. Et croisé de beaux sourires.
Avant tout, je rends hommage à Lova, notre guide local et chauffeur. Patient, éduqué, à l’écoute, doté d’une grande intelligence émotionnelle, il a compris avec subtilité ce que nous étions venues chercher et voir. Si vous cherchez un guide pour votre voyage à Madagascar, je vous conseille de faire appel à lui. Par ailleurs, il a une très grande culture générale et de grandes connaissances en botanique.
Je remercie Saroy et Naby pour leur accueil à la réserve de Vohimana. Ils nous ont pris en main et fait en sorte que notre séjour sur place se déroule de la meilleure manière possible. Ils font partie de l’équipe d’Olivier Behra et travaillent pour l’ONG L’Homme et l’Environnement.
Néanmoins, je reviendrai sur quatre de ces personnes plus en détail : trois femmes et un homme. Les femmes s’appellent Annick, Fanja et Nina et l’homme, Lesabotsy.
Les femmesÂ
Annick est productrice d’huiles essentielles au domaine de Manahara. Sacré petit brin de femme, tellement enjouée, positive et forte à la fois. Un roc qui tient encore malgré les deux cyclones de février dernier. Une énergie incomparable, un portrait que je me dois de vous partager. Annick reste dans mon cœur et je pense souvent à elle.
Deux autres femmes ont aussi croisé mon chemin : Fanja et Docteur Nina. Fanja est pasteur avant d’être productrice et distillatrice d’huiles essentielles. Docteur Nina est médecin ostéopathe à Tana. Elle est fortement impliquée dans le développement de l’utilisation de l’aromathérapie à Madagascar. Elle fait d’ailleurs partie de l’association Tamtam PhytoAroma.
Ces femmes ont vraiment touché mon cœur et je suis heureuse de les avoir rencontrées sur mon périple. Quant à l’homme, il est tradipraticien. C’est Lesabotsy. Il connait les plantes malgaches sur le bout des doigts et dirige aujourd’hui le laboratoire expérimental de la réserve de Vohimana. Les distillations, ça le connait. Il rigole toujours et a des étincelles dans les yeux.
J’y reviendrai.
Un esprit occidental Ă Madagascar
Capitale AntananarivoÂ
La capitale Antananarivo, Tana pour les intimes, est tentaculaire et vallonnée. Elle est brouillonne, pleine, grouillante. Étouffante, asphyxiée et asphyxiante. Sale, embouteillée et polluée. La viande pend aux crochets des vendeurs des rues. Je me demandais si même bien cuite, je m’y risquerais.
Et encore cette réflexion à laquelle je n’ai pas de réponse : « Pourquoi vouloir à tout prix vivre en ville dans ces conditions ? Y est-on forcément plus heureux à y survivre que de planter ses pommes de terre et son riz en campagne ? En essayant d’y survivre aussi ».
Je ne sais pas. Mais cela m’interroge. La tendance en Occident est de se réfugier à la campagne. Cela devient un luxe de quitter la ville. La campagne retrouve ses lettres de noblesse. Vous voyez toutes ces oppositions entre nos visions du monde ?
En revanche, à Tana, j’y ai vu les plus beaux jacarandas en fleur. Je suis moins fâchée du coup.
Esprit occidentalÂ
Ce que je vous livre ici est vraiment subjectif puisque lié à mes ressentis. Je vous prie de le prendre avec des pincettes. J’essaie de ne pas être dans le jugement mais plutôt dans une forme d’ouverture ou d’interrogation. Je n’ai pas de réponse universelle et je m’interroge et constate. Puis, a priori, je dis ce que je pense même si pas toujours de manière diplomatique.
Madagascar est un pays aux mille contrastes. Et pourtant, je n’y suis restée que deux semaines et dans un contexte privilégié. Je suis loin d’avoir tout vu et surtout d’avoir tout compris ! Néanmoins, j’ai mes yeux pour voir, mon nez pour sentir, ma langue pour poser des questions, mes oreilles pour entendre, ou écouter même quand rien n’est dit. Car c’est aussi cela Madagascar. On ne dit rien ou si peu. On ne répond pas vraiment aux questions ou en les contournant.
Pour mon esprit occidental a priori cartésien, même si j’ai toujours la volonté de me remettre en question, ne pas avoir de réponse précise à une question précise peut m’agacer. Je l’avoue.
Flegme malgache, pita et kapha
J’ai été confrontée à ce flegme malgache. Ces visages ouverts mais fermés à la fois. Ne pas s’énerver, ne pas exploser. Les muscles du visage impassibles malgré un sourire toujours affiché. Au niveau ayurvédique, le Malgache serait plutôt Kapha, donc zen. Je ne dis pas le contraire : c’est bien cette sensation que j’ai eue. Et pourtant, j’ai l’impression que ce flegme ne dit pas ce qu’il pense. Ce flegme exprime des non-dits.
Je le répète : je m’interroge et ouvre des réflexions. En tant qu’occidentale éduquée et curieuse, j’observe et je ressens. Il m’est arrivé pendant ce voyage de m’irriter sur certaines choses et de le dire. Le flegme ne me définit pas. Cela doit être mon côté Pita, mon côté feu, bélier, colérique, occidental. Depuis ma propre perspective, j’étais en droit de rouspéter, de m’agacer. L’occidental serait moins enclin à être Kapha. Apparemment, nous gagnerions à travailler notre côté malgache, l’empathie, la compassion.
Pourtant, j’en ai aussi fait preuve je pense. Je ne suis pas restĂ©e sur mon « quant-Ă -moi ». J’Ă©tais dans l’attention et dans l’intention. Puis un peu de Pita, ça fait avancer aussi. C’est l’action et la prise d’initiative. Peut-ĂŞtre en manque-t-on Ă Madagascar pour faire bouger les choses ? C’est le chat qui se mord la queue…
Le voyage nous amène à grandir. Si c’était si simple, ce serait facile, non ?
Fihavanana : concept malgache
J’ai entendu parler d’un concept non traduisible en français : le Fihavanana.Â
C’est l’Esprit malgache. C’est le lien, la solidarité, la convivialité et l’amitié. L’amour pour les autres et le lien entre tout. Le vivre ensemble. Le pardon, l’empathie et la compassion. Le Zen pur.
Concept sacré et sacré concept.
NĂ©anmoins, je crains que cela ne soit pas si simple. Et deux malgaches me l’ont confirmĂ©. A propos du respect du travail d’autrui, le premier a glissĂ© lors d’une discussion : « Le Fihavanana, c’est difficile pour les malgaches ». L’autre en confirmant : « Quand je subis des vols sur ma plantation, j’ai besoin de connaĂ®tre la vĂ©ritĂ©. De savoir ce qui s’est passĂ©. Mais la vĂ©ritĂ© est impossible Ă connaĂ®tre ici. C’est l’hypocrisie du Fihavanana.  Ce sont les histoires de famille, les croyances ancrĂ©es, l’environnement malsain qui n’évolue pas. La vĂ©ritĂ© n’est jamais dite ».Â
En effet, le Zen est-il complètement possible quand on ne mange pas à sa faim ? Ou encore quand on jalouse ce que l’autre détient ? J’imagine que la situation à Madagascar serait différente si ce concept était réellement appliqué voire applicable (et à TOUS les niveaux). Mais après tout, il y a certainement des êtres éclairés qui le vivent au quotidien le Fihavanana à Madagascar.
Cependant, de ce que j’ai vu ou entendu, le Fihavanana est un peu comme le Graal. Quoi qu’il en soit, je rends hommage Ă ce Fihavanana. D’une manière globale, l’HumanitĂ© irait bien mieux s’il Ă©tait gĂ©nĂ©ralisĂ© et pleinement vĂ©cu. Il nous reste du travail.Â
L’Ici et Maintenant et acculturation
En revanche, j’ai bien saisi le sens « d’être dans l’Ici et Maintenant ». C’est une règle qui s’avère plus que nĂ©cessaire. J’ai eu des attentes lors de ce voyage. Elles n’ont pas toujours Ă©tĂ© atteintes. J’ai pestĂ© et j’ai Ă©tĂ© déçue. Et puis Ă considĂ©rer le problème Ă l’envers, il y a des situations inextricables Ă Madagascar, une perte de contrĂ´le totale sur les circonstances. Je l’ai vĂ©cu et vu cet aspect de la rĂ©alitĂ©.
Mais finalement, malgré les circonvolutions qu’ont pris les évènements, j’ai profité de tout. N’ayant aucun contrôle sur les évènements, je m’en suis mis quand même plein les mirettes. J’ai apprécié chaque moment et ai accueilli chaque instant. Et après tout, le voyage nous offre cela : l’enrichissement personnel. J’ai appris et j’ai un peu compris.
Ma vision occidentale est-elle biaisée ? Je pense m’être acculturée le temps de ce voyage. Être à l’écoute de ses propres impressions, de ses comparaisons internes ou exigences, et les questionner : n’est-ce pas déjà un premier pas vers l’ouverture d’esprit et l’acculturation ?
La première partie se termine ici mais dans un prochaine publication, je vous ferai part de deux anecdotes concernant davantage ce pour quoi je suis allée à Madagascar : les huiles essentielles et les producteurs.
Que vous inspirent ces impressions ? J’aimerais avoir votre avis ! N’hĂ©sitez pas Ă commenter surtout.
En lisant… j ai voyage à nouveau!!
Merci ma jo
merci ma petite mère baroudeuse
Merci pour cet article. Tu dĂ©cris tellement bien ce merveilleux voyage que nous avons fait ensemble. Des rencontres extraordinaires que je ne suis pas prĂŞte d’oublier.
merci ma dynamite belge aromatisée ! gros bisous
Merci infiniment Johanne pour ce carnet de voyage authentique ..je me suis tellement retrouvĂ©e lorsque tu parles de tes impressions et de cet « esprit malgache » ..je n’ai pas la prĂ©tention de connaitre parfaitement Mada et ses malgaches souriants , mais lors de mes sĂ©jours dans cette Ă®le merveilleuse, je cultive Ă chaque fois et un peu plus, leur art de vivre , leur patience et leur gentillesse ..et je me fonds chaque fois davantage dans leurs traditions et culture pour devenir un des leurs ..et ils me manquent après chaque retour..une partie de mon âme est restĂ©e lĂ bas
merci chère Marie-Laurence pour ton témoignage, heureuse de voir que cela résonne en toi 🙂
Merci Johanne pour le voyage !
Après t’avoir lue je suis restĂ©e un bon moment Ă essayer d’imaginer par delĂ les mots. Ce qui m’a ramenĂ©e Ă ma fille qui est restĂ©e 7 ans au SĂ©nĂ©gal. Dans l’intimitĂ© du pays. J’y retrouve beaucoup de points communs ! Jusque dans « l’Esprit malgache », soit donc « l’esprit senegalais » ! Et plein de questions en appelant d’autres sur les diffĂ©rences de modes de vie, de faire, de penser, d’ĂŞtre….
J’attends la suite avec impatience !
Belle journée à toi.
Chère Chantal, oui ces diffĂ©rences de points de vue, pas toujours facile de changer de perspective mais l’intention est dĂ©jĂ un grand pas. on est tellement pĂ©tris de nos modes de pensĂ©es et croyances diverses … c »est le challenge d’une vie de s’en dĂ©faire ! Merci pour ton tĂ©moignage. Bises
Et oui Johanne, c’est une bien belle échappée que de partager avec vous tous ces souvenirs…
Quant à moi qui ai eu la chance de découvrir Madagascar avec Annick comme guide, j’attends avec impatience la suite de vos aventures…!
Alain
j’espère un jour avoir le bonheur de retrouver Annick dans sa brousse que vous connaissez si bien !
C`est un beau moment de partage d`un voyage extraordinaire, Bravo Johanne!
Merci Johanne pour ce beau reportage très complet et sensible, c’est un voyage que j’aimerais faire un jour qui correspond tout Ă fait Ă mon envie de dĂ©couverte des plantes de Madagascar, des soins qui peuvent en dĂ©couler et des amitiĂ©s autour de passions partagĂ©es. je vais continuer Ă te lire avec grand intĂ©rĂŞt. Patricia
Bonjour Patricia, merci infiniment pour votre gentil message et je suis heureuse que mon article vous ait fait vibrer 🙂
Merci Johanne pour cet article pertinent, je me rappelle aussi des fous rires au lodge au sujet du balai de sorcières fabriqué à partir de bruyère arborescent de Madagascar
chère Annick, oui, j’ai encore beaucoup de regrets concernant ce balais … dommage que je n’ai pu le ramener dans ma valise 🙂
Hâte de voir la 2ème partie de ce fameux trek
merci Didier.