Voyage en Australie et en Namibie.
Aujourd’hui j’ai envie de vous emmener en voyage sur différents continents, à la découverte de magnifiques senteurs. Et, il y a un point commun entre toutes les matières que je vais vous présenter. Saurez-vous le trouver ? Il s’agit d’un projet que j’affectionne et qui m’enthousiasme. Et il me paraissait indispensable de parler de matières premières et de voyages avant de le dévoiler.
Je vous donne tout de même trois indices : commerce équitable, éco responsabilité et transparence.
L’itinéraire que je vous propose va nous emmener, en plusieurs articles, en Australie, en Afrique plus précisément en Namibie, puis en Amérique du Sud, à Madagascar, dans les îles des Comores et enfin au Japon. Vous êtes prêts ?
Alors c’est parti. Commençons ce voyage dans un pays fascinant et si lointain : l’Australie.

A la découverte du santal australien.
Surexploitation du santal indien.
Le santal blanc (Santalum album), petit arbre originaire d’Inde et d’Océanie, a une aire de répartition assez large. C’est une des matières premières utilisée depuis des millénaires notamment pour des motifs religieux. La fumigation permettait de se relier aux divinités et cela perdure encore de nos jours.
La tragédie végétale du santal blanc.
Le santal blanc est également devenu un élément courant et indispensable de la parfumerie. En effet, le santal renferme sa précieuse huile dans son tronc et dans ses racines. Il est considéré comme le bois de santal de la plus haute qualité et aux propriétés olfactives extraordinaires. Ces atouts l’ont malheureusement mené à sa quasi-totale extinction. Et oui, il faut le couper, le déterrer, l’arracher pour pouvoir en extraire son trésor. Je ne ferai pas le résumé de l’histoire ici mais ce qui s’est passé est un massacre. Vol, corruption, contrebande, déforestation, j’en passe et des meilleures. Les 18ème et 19ème siècles ont été le point de départ de cette tragédie végétale. Surexploité, il n’aura pas fallu plus de 200 ans pour que sa population sauvage soit réduite à peau de chagrin.
Je vous renvoie au merveilleux livre « Cueilleurs d’Essences, aux sources des parfums du monde » écrit par Dominique Roques (Editions Grasset) pour découvrir cette histoire si triste.
Les rythmes du santal.
Il faut savoir qu’un arbre de santal est considéré comme mature lorsqu’il atteint l’âge de 50 à 60 ans. Mais la pression exercée sur cet arbre a décimé les exemplaires les plus vénérables et la surexploitation a aussi touché les spécimens les plus jeunes conduisant ainsi à une diminution drastique de ses représentants. Et oui comme l’écrit Dominique Roques, « les arbres n’aiment pas la précipitation ». Leurs temps et leurs rythmes sont plus longs que ceux de l’Homme.

Ah là là, l’Homme et sa mégalomanie… (exploiter encore et encore, toujours à son avantage… la Nature assure, elle est inépuisable… Et bien, non). Le résultat est qu’aujourd’hui le santal est en voie de disparition.
Il n’y a pas que les animaux qui disparaissent, les espèces végétales aussi.
Il a donc fallu trouver une alternative pour sauver le santal indien tout en ne privant par le secteur de la parfumerie de cette précieuse senteur.
Et certaines fois l’Homme peut faire preuve de raison gardée. Et avoir de belles et bonnes idées.
La filière du bois de santal australien.
De fait, il existe un autre santal qui nous vient d’Australie occidentale, des grandes zones arides de l’ouest du pays-continent: le santal australien (Santalum spicatum).

Considéré comme étant de qualité inférieure au santal blanc Indien, nous allons voir qu’il faut se méfier des idées toutes faites. La parfumerie a parfaitement appris à intégrer le santal australien dans ses jus pour le plus grand bonheur de tous (et surtout au grand soulagement du santal indien !).

Arbre endémique 100% originaire d’Australie, il ne pousse pas ailleurs. Il semble même qu’il se nourrisse et s’hydrate gratuitement chez ses voisins les Eucalyptus et Acacias par le biais de son système racinaire.
Terre historique des aborigènes.
Qui dit Australie dit aussi terre historique des aborigènes, les plus anciens habitants et les gardiens de ce pays-continent resté isolé du reste du monde pendant des millénaires (ils s’y installèrent il y a plus de 40 000 ans).

Dans leur culture, le santal est un arbre considéré comme sacré, utilisé depuis la nuit des temps pour conjurer les mauvais Esprits.
Autant dire qu’il s’agit du plus vieux parfum de l’humanité.
(je vous conseille de regarder cette émission sur les aborigènes d’Australie qui sont les descendants directs des premiers homo-sapiens arrivés d’Afrique. Leur ADN est le plus ancien existant).
Les aborigènes et la colonisation britannique.
Depuis la colonisation au 18ème siècle par les Britanniques, ce peuple aborigène a subi de profondes violences et discriminations. Encore aujourd’hui, il leur est interdit de pratiquer certaines de leurs coutumes, jugées trop dangereuses par les Autorités australiennes. Ils vivent bien souvent dans des conditions insalubres et inhumaines et sont considérés comme des êtres inférieurs (incroyable à notre époque, n’est-ce pas ? Mais vrai…). Et pourtant, ces descendants des tous premiers explorateurs ont beaucoup de choses à nous enseigner.
Ayant un attachement viscéral à leurs terres et à leurs traditions et dépositaires d’une culture immensément riche et liée intrinsèquement à leur environnement et à la nature, il était urgent d’inclure les aborigènes dans le développement de la filière du bois de santal australien.
Dutjahn Sandalwood Oils Company
Développement durable avec les aborigènes
Dans les années 1990, un certain Steve Birkbeck, appelé le « père du santal australien » a développé la filière du santal australien. Aujourd’hui, la société Dutjahn Sandalwood Oils (DSO pour plus de simplicité) poursuit son oeuvre et Steve Birkbeck leur apporte son expertise.
Grâce à leurs programmes de plantation et de culture strictement encadrés, les aborigènes sont pleinement partie prenante dans le développement durable de la filière du santal australien (ils sont actionnaires à 50% de DSO). Autonomes dans la gestion de la culture du santal, ils sont rétribués de manière juste et équitable, et, chose primordiale, lorsqu’un arbre est coupé, 10 autres sont replantés pour assurer la pérennité de la ressource pour les générations futures (je vous rappelle qu’il faut attendre un sacré paquet d’années pour qu’un santal arrive à maturité).
Cet arbre fait partie du patrimoine australien autant que de celui des aborigènes. C’est donc un juste retour des choses de leur avoir octroyé ce droit d’exploitation.
Même si, en y regardant de plus près, beaucoup de combats restent à mener face à l’administration australienne. En effet, bien qu’ayant les titres de propriété, les aborigènes ne peuvent exploiter la terre sans l’accord du gouvernement… Le chat qui se mord la queue en gros.
Mais tout de même, de gros progrès ont été réalisés.
C’est pourquoi deux témoignages valent mieux qu’un long discours.
Clinton et Darren Farmer: deux ambassadeurs aborigènes chez DSO
Je ne résiste pas à vous présenter deux aborigènes totalement intégrés chez DSO. Ils veillent au maintien et à la préservation de la filière « dutjahn » ou santal australien: Darren Farmer et son cousin Clinton Farmer (tribu des Martu).
Le Dutjahn est plus qu’une plante sacrée pour les nations Martu et Wongi, il fait partie de notre âme et représente un lien clé avec notre identité spirituelle.
Darren Farmer

Darren Farmer, directeur de DSO et membre du Board est aussi un visionnaire. Il s’est battu pendant plus de 20 ans pour obtenir le droit de propriété sur les terres natales et par conséquent sur le santal, droit obtenu en 2014. Il négocie toujours avec le gouvernement australien pour obtenir support et collaboration ainsi que « la mise en oeuvre d’un règlement qui faciliterait l’accès aux ressources naturelles et permettrait à leurs communautés de sortir de la pauvreté avec dignité ».
Clinton Farmer dirige la Kutkububba Aboriginal Corporation’s Indigenous Martu Harvesting Enterprise. Il est également ambassadeur et actionnaire de DSO. Son père, originaire du désert de Gibson, avait démarré une activité dans le santal australien l’année de la naissance de Clinton (1977). Clinton a toujours connu ce secteur. Leur communauté est autonome et illustre parfaitement l’indépendance socio-économique. Clinton déclare « Prendre soin de notre pays et suivre les traces mon père est une obligation culturelle et commerciale pour la tribu des Martu. Tout ce que nous demandons à l’Etat est de permettre à d’autres communautés isolées d’apprendre de notre succès« .

Les arômes du santal australien.
Le santal australien a une odeur à la fois douce mais boisée avec des notes légèrement plus piquantes voire poivrées. Mais son arôme le plus flagrant pourrait se résumer ainsi : terpénique. Cette famille de molécules chimiques a de nombreuses actions bienfaisantes notamment calmantes, profondément relaxantes et sédatives. Le santal est conseillé pour méditer.
Au niveau physique, le santal australien est anti-infectieux, anti-inflammatoire et cicatrisant (par l’action toujours des fameux terpènes). Mais je ne ferai pas de cours de chimie ici, ce n’est pas mon propos.
Alors, je vous implore : si vous avez l’intention de vous procurer un santal australien de qualité, qui allie respect et éthique, et qui permette aux aborigènes de vivre correctement et de perpétuer leur savoir-faire, continuez à lire car je vous révèlerai où vous le procurer.
On continue le voyage ?
Maintenant, nous allons en Afrique, sur la côte occidentale, dans un autre pays tout aussi fascinant. J’appelle donc sur scène la Namibie !
La Namibie et sa myrrhe.
La myrrhe …résine qui sent le chaud et le froid. Le chaud de la vanille, du miel et parfois du chocolat. Le froid du pin et de l’anis.
Martin Jaccard, créateur du Journal d’un Anosmique, issu du Livre « Namibie » par Stéphane Piquart
La myrrhe dans l’Histoire.
La myrrhe est une résine. Et quelle résine ! Elle est divine.
Son utilisation remonte au temps des Egyptiens, il y a plus de 4 millénaires, qui l’intégraient dans leur fameux Kyphi.
Pour les Hébreux, la myrrhe est l’un des composants de l’huile d’onction sainte. Et elle fait partie des offrandes apportées à Jésus par les rois mages composées « d’or, d’encens et de myrrhe ». Elle est ce qu’on appelle une huile sacrée car elle est mentionnée dans 13 versets de la bible.
Les Grecs, quant à eux, en ont fait le symbole de la mort et du renouveau de la nature au-travers de la légende de Myrrha, la fille du roi de Chypre, follement amoureuse de son propre père. Lorsqu’il se rendit compte d’avoir commis à son insu un inceste avec sa fille, il voulut la tuer. Elle s’enfuit, enceinte de son père et supplia les Dieux de la sauver. Ils la transformèrent en arbre à myrrhe, celle-ci étant ses larmes. Elle donnera naissance à Adonis par une fente dans son écorce.
Arbre à Myrrhe ou Balsamier (Commiphora myrrha-molmol)
Issue de l’arbre à myrrhe ou Balsamier (Commiphora myrrha), la myrrhe appartient à la famille des Burséracées. Elle est originaire d’Afrique de l’Est, de ces pays secs et arides tels que Ethiopie, Somalie, Soudan et de la péninsule arabique notamment Yémen et Oman.

C’est une résine obtenue des boursouflures du tronc d’où s’écoulent de magnifiques petites larmes jaunes qui sont cueillies une fois qu’elles ont séché sur le tronc. Elles sont soit utilisées telles quelles en étant brûlées, soit elles sont transformées et distillées pour obtenir une huile essentielle.

La myrrhe fait donc partie de l’Histoire Humaine (avec un grand H). Seulement, il y en a une autre, qui fait aussi des merveilles…
La Namibie et les Himbas.
Faisons un bond en Afrique et dirigeons-nous vers le sud-ouest africain, en Namibie plus précisément dans le Kaokoland, situé au nord du pays, vers la frontière avec l’Angola c’est-à-dire dans le territoire des tribus Himbas. Tribu fascinante pour moi depuis que je me suis passionnée pour l’Afrique (cela fait partie d’une autre vie, une autre passion, une autre époque).
Allez, je fais une parenthèse: pour témoigner de ma passion pour l’Afrique, je vous inclue pour rire deux photos de moi en Namibie (voyage qui remonte à plus de 10 ans…) dans le Sossuvlei (désert de sel et d’argile) situé dans le désert du Namib, sur la fameuse dune Big Daddy, une des plus grandes dunes de sable stabilisée du monde. La première pendant l’ascension de Big Daddy (plus d’une heure de marche pour atteindre le sommet) avant que le soleil ne se lève totalement (vous voyez que les premières traces de la journée sont les miennes ?). Et l’autre lors de la redescente (qui, elle a duré 3 minutes à tout casser, direct dans la pente, le sable plein les godasses) et l’accès à ce fameux marais mort, le Deadvlei (vous avez déjà certainement vu ces images d’arbres morts) que l’on rejoint après l’ascension de Big Daddy (casquette et blouson pour se protéger du soleil car c’est un des lieux les plus chauds de la planète).


Revenons donc à nos semi-nomades, les Himbas. Ils vivent principalement de l’élevage de chèvres et de vaches. Ils se déplacent au sein de leur territoire selon les saisons. Pendant la saison chaude (octobre-janvier), il leur est difficile de subvenir à leurs besoins, le bétail étant trop maigre pour être vendu.
La myrrhe Omumbiri et les Himbas.
Là-bas pousse un arbuste tout sec qui se craquèle lors de la saison sèche. Entièrement endémique, il s’appelle Omumbiri ou Commiphora wildii pour son nom latin. De ce craquellement, que l’on peut imaginer comme une blessure, suinte une résine. Cette résine, ressemblant à de petites larmes dorées, est le pansement que l’arbre libère : elle va venir cicatriser le tronc blessé.

Une fois séchées, les larmes dorées sont récupérées par les femmes des tribus Himbas. Mélangées et fondues à l’ocre de leur terre si rouge, et à la crème de lait issue de leur bétail, les Himbas s’enduisent la peau et les cheveux de cette pâte pour se protéger du soleil mais aussi pour les vertus cosmétiques que leur confère cet emplâtre.

Vous avez certainement déjà vu des photos de ces magnifiques personnes : des femmes aux cheveux enduits de la pâte évoquée ci-dessus qui les maintient comme de longs rastas, dont la couleur de la peau est magnifiquement caramélisée.

Et cette résine de myrrhe Omumbiri a été découverte en 2004 (je vous dirai plus tard par qui ! Continuez à lire !). Elle permet aux tribus Himbas d’obtenir un complément de revenus lors des saisons chaudes. La commercialisation de manière équitable et coordonnée avec une ONG locale de conservation de l’environnement assure aux Himbas le maintien d’un revenu régulier et constant. Elle a permis également la construction d’un centre de soins (le premier hôpital le plus proche se trouve à deux jours de voiture donc inaccessible).
Les arômes de la Myrrhe Omumbiri.
J’aime vraiment la myrrhe. C’est une huile mystérieuse, mystique et mythique. Elle me connecte profondément avec l’archétype de la femme sauvage et mystérieuse. Comme une sorte d’effluve profonde qui connecte avec le Soi profond.
La myrrhe Omumbiri est un bijou : terpénique à fond, on a l’impression d’un vieux coffre en bois à la première inspiration. Elle est chaude, son côté solvant est addictif, elle est réconfortante et fortement balsamique. Elle est à la fois légèrement gourmande, avec de légères notes piquantes et fraiches.
Et puis…. savoir d’où elle vient, connaître son origine, imaginer les belles mains de ces nobles femmes les ramasser et en prendre soin, me comble de gratitude. Je me sens en Namibie. Et j’aime l’histoire humaine qui se cache derrière ce flacon.

La fin du voyage dans un prochain épisode.
Bon, les 3 indices tiennent toujours : un projet qui combine commerce équitable, éco responsabilité et transparence (Et un 4ème s’est immiscé pour les plus observateurs d’entre vous).
Nous sommes allé(e )s en Australie et en Namibie. Le voyage n’est pas encore terminé. Je vous invite donc à rester connected pour en savoir davantage.
Et, vous avez compris ? Si vous voulez expérimenter vous aussi les effets magiques de la myrrhe Omumbiri, et bien, continuez à lire ! Car seule votre patience vous révèlera la personne et le projet cachés derrière ces merveilles (bien qu’un autre indice se soit immiscé…). La suite dans un prochain épisode.
Dites-moi ce que vous inspirent le santal australien et la myrrhe namibienne ci-dessous en commentaire ! Merci de partager vos réflexions.
Et j’en profite pour remercier Carole Trequattrini, historienne de l’art spécialiste du parfum, pour avoir relu le paragraphe sur la myrrhe dans l’histoire ! Je vous invite à participer à ses conférences, véritable voyage dans le temps ou dans les matières premières. Son blog s’appelle Enchante tes sens.
Moi je sais de qui tu vas nous parler, j’adore leurs huiles essentielles.
et oui, je sais que tu sais 😉 Bises Murielle
Quand j étais petite.. je me souviens des femmes qui cueillaient autour de la ville de Grasse..le matin très tot du jasmin… .ce souvenir olfactif ne m a jamais quitté .. et comme in chien de chasse.. je hume encore, nez en avant.. la moindre odeur qui me fascine. Merci Johanne
Chère Carole (petite maman), oui je t’imagine bien le nez en avant, je te vois même clairement ! Les odeurs ont un tel pouvoir sur nous, elles sont liées à tous nos sens et nos ressentis profonds. Prendre le temps de ressentir ce qu’une odeur nous procure, pas seulement au niveau du nez, mais aussi au niveau du corps physique. Voyage fascinant. Merci pour ton témoignage.
Très bel article de voyage avec les parfums…
Merci de nouveau Nicole ! Belle soirée à vous, et à bientôt pour de nouvelles aventures olfactives, Johanne
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