Dernier tour d’horizon dédié au projet Aubance Essentielles que j’ai déjà présenté ici ainsi qu’un article dédié à leur camomille romaine.
Deuxième Dame d’Anjou : la menthe poivrée
Menthe poivrée et botanique
La menthe est un univers à elle toute seule. Il en existe des muuuultitudes : en effet, si la reproduction sexuée de « mentha » est quasi inexistante, sa capacité d’hybridation réalisable entre les différentes espèces végétales de la même espèce (métissage), voire du même genre est immense. Par exemple, la menthe poivrée est le résultat de l’hybridation de la menthe aquatique (mentha aquatica) avec la menthe verte (mentha spicata).
Dans le domaine de l’aromathérapie, nous pouvons trouver plusieurs menthes très intéressantes : menthe poivrée (menta piperita), menthe des champs (menta arvensis), menthe verte (menta spicata), menthe bergamote (menta citrata). Néanmoins, elles sont toutes différentes et ont leur personnalité.
La menthe poivrée est très envahissante dans un jardin (pour éviter une invasion de menthe, petit truc : la planter en pot assez grand puis planter le pot en terre : cela crée une barrière naturelle invisible et empêche sa prolifération). Autre astuce : planter une sauge officinale à côté, chacune des deux plantes défendra et cherchera à préserver son territoire (merci Michel pour cette astuce que je ne connaissais pas)!
Bon, ce qui est certain : c’est une plante de la famille des Lamiacées. Vaste univers là encore puisque les lamiacées englobent de nombreuses plantes aromatiques : lavande, thym, sauge, sarriette, romarin, origan, basilic. Ou encore hysope, patchouli …etc etc. Je m’arrête là mais la liste est longue.
C’est une famille caractérisée par des tiges quadrangulaires, des feuilles simples dont la forme varie mais elles sont opposées, c’est-à-dire que deux feuilles se font face.
Et vous aurez compris, c’est une famille très … aromatique généreuse en huiles essentielles sécrétées justement pour que la plante puisse lutter contre l’adversité qu’elle rencontre dans son cycle de vie.
Biochimie de la menthe poivrée
Monoterpénols et le menthol
Le fameux menthol est l’élément principal d’une huile essentielle de menthe poivrée.
Et c’est lui, le fameux coup de frais, « l’effet froid ». Il agit sur un récepteur sensible spécifique du corps humain qui traduit cette sensation de froid en effet analgésique. Et là, je reprends les mots imagés de Michel Faucon : « Pourquoi même chaud, un thé à la menthe rafraîchit-il ? ». Et bien, maintenant vous savez !
Une cétone : la menthone
Et oui, cette cétone est légère, une impression dissolvante et psychoactive s’en dégage. Son odeur (à travers la menthe poivrée que l’on respire) est comme celle d’un solvant éthéré et se traduit par une impression d’expansion franche. L’odeur caractéristique de la menthone semble envahir rapidement nos poumons et nos voies respiratoires… Mais prudence ! elle est potentiellement toxique : stimulante à faible dose, la menthone devient sédative voire stupéfiante à haute dose.
Propriétés de la menthe poivrée
Au niveau physique
La menthe poivrée est stimulante, tonique. Elle montre aussi un fort côté antalgique, antiprurigineux, grâce à son « effet froid » (qui fait l’objet de publications scientifiques) ce qui lui confère une bonne réputation d’anesthésiant local (rhumatismes, maux de tête …). Egalement utile sur les douleurs radiculaires (névralgies et sciatiques…). A utiliser toujours en forte dilution dans une huile végétale, jamais pure sur la peau !
Elle agit sur la sphère digestive et hépatique. Pour reprendre l’exemple du thé à la menthe : qui ne connaît ses vertus bienfaisantes pris après le repas ? (éviter les 12 carrés de sucre au passage).
La menthe poivrée est également préconisée (en olfaction, ou 1 seule goutte par voie orale) pour les nausées chez l’adulte (mais jamais chez l’enfant ou la femme enceinte), par exemple en cas de mal de transport. Formidable aussi pour donner un coup de fouet cérébral en cas de fatigue ou de « brume » mentale passagère (toujours avoir un flacon en voiture par exemple si la fatigue se fait sentir).
L’olfaction de HE menthe poivrée « coupe court » ; elle stoppe immédiatement un état de colère!
La menthe poivrée d’Aubance essentielles
Pleine de surprises cette menthe Aubance… Je vais essayer d’être claire car on y parle biochimie mais, celle-ci s’exprime pourtant par des mots et des ressentis.
Clairement, l’huile est en-dehors des normes AFNOR en ce qui concerne la composition biochimique globale. Essayons d’en donner une interprétation.
| Famille biochimique | Molécule | Pourcentage obtenu Aubance | Normes AFNOR | Commentaires |
| Cétones (toxiques mais qui nous « élèvent ») | Menthone (psycho-actif) | 40% | 13-28% | En forte quantité |
| Cétone | Pulégone (toxique du SNC) | 5% (très élevé) | 0,5-3% | En forte quantité |
| Alcools monoterpénols (anti-infectieux puissants, ancrage en douceur, « doudou mitraillette », sans toxicité) | Menthol | 24,5% | 32-49% | En faible quantité |
| Esters (équilibrants, tranquillisants , ronds et enveloppants «je te tends la main, viens ne t’inquiète pas ») | Acétate de menthyle | 1,5% | 2-8% | En faible quantité |
La menthe poivrée d’Aubance sur le papier
A la lecture de ce tableau, on pourrait penser que cette huile, plutôt « à menthone », n’est pas intéressante en thérapeutique et ne devrait surtout pas être utilisée :
- Un taux très élevé de cétones dont un taux de pulégone « de ouf » (le pulégone est une molécule d’odeur lourde, grossière et surtout… très toxique). On pourrait penser que cette huile est peu agréable.
- Un taux d’acétate de menthyle (donc esters doux) est bas. On pourrait là aussi imaginer que cette huile n’aura pas cet aspect équilibrant et tellement bénéfique qu’une menthe poivrée standard doit être en mesure d’apporter.
- Un taux de menthol assez faible, et le menthol, n’est-ce pas ce que l’on recherche avant tout dans HE Menthe poivrée ?
La menthe poivrée d’Aubance dans la réalité
Une bien jolie huile essentielle de menthe poivrée pourtant…
Voici mes ressentis suite à mon olfaction :
« Au niveau physique, j’ai d’abord ressenti les pulsations utérines et pelviennes très fortement comme un envahissement, une tempête. A l’expiration, je vivais comme une précipitation vers le bas avec un léger tremblement de tête. A l’inspiration, je la ressentais très tête, très mentale, beaucoup de lumière, peut-être trop d’ailleurs, car de nouveau, un effet d’une grande secousse, comme un tremblement de terre cette fois.
Mais après cette épreuve passée, je me suis sentie tonifiée, vivifiée, avec une grande clarté d’esprit. Puis est arrivé, le calme comme… anesthésiée ».
J’insiste sur cette merveilleuse sensation de calme final malgré le fort taux de cétones psychoactives ! Même si les photos précédentes pouvaient laisser croire le contraire…. Effectivement, le nez dans la cuve remplie de menthe verte, ça te réveillerait un mort !
Quant au faible taux d’esters (acétate de menthyle), il ne se note pas non plus … puisque l’huile essentielle est ronde et équilibrée QUAND MEME. Il est certain que la chromatographie de l’huile essentielle montre une variété incroyable de molécules différentes au sein de son totum moléculaire. C’est à coup sûr cette biodiversité moléculaire-là qui donne à l’HE son si bel équilibre.
La distillation est un art
Des questions se posent. Néanmoins, pas de réponses sûres ni aucune certitude …
Ce taux élevé de cétones, à quoi est-il dû ? A la variété de menthe distillée sans doute, mais aussi à la saison à laquelle la distillation s’est déroulée ? Y-a-t-il eu un manque de soleil ? Ou autre ? La distillation aurait-elle pu être plus longue encore ? plus douce ?
Frédéric nous apporte un élément de réponse: « Nous l’avons cueillie trop tardivement à la floraison ; il aurait fallu la cueillir avant pour éviter un taux trop élevé de cétones ».
La distillation est un art qui s’apprend chemin faisant. Chaque plante est différente, chaque moment également. Ce que je peux dire avec conviction, c’est que les huiles distillées par Aubance Essentielles ont vraiment une âme et une belle rondeur. Certes, il faudra encore expérimenter et comparer les prochaines productions, respirer les prochains « crus » à venir.
Du travail d’investigation les attend encore, mais c’est justement cela qui est passionnant. Le projet est jeune et une marge de progression énorme se profile alors même que les résultats actuels sont tout à fait convaincants !
Les huiles essentielles sont des mondes
Une fois de plus, nous voyons que les huiles essentielles sont des mondes :
- Elles sont uniques (il existe bien des variations dans leurs compositions et leurs fragrances d’une année à l’autre, d’un champ à un autre, d’une variété végétale à une autre même très proche, en fonction du « savoir-faire » d’un distillateur ou celui d’un autre…)
- Elles s’expriment selon des facteurs non inhérents à l’Humain,
- Elles ne sont pas là pour remplir des cases administratives
- Il faut admettre une fois pour toute que c’est la plante prise dans son ensemble qu’il faudrait considérer (la somme des parties).
Pour en saisir le « génie » véritable, regardez les plantes, nos sœurs les plantes, respirez-les longuement, sachez considérer chaque « Être-plante » dans son unité cohérente
Michel Faucon
Les bonnes surprises de l’Anjou
Ce fin fond de l’Anjou m’a décidément apporté beaucoup de plaisir et de belles surprises !
Michel Faucon et son enseignement
C’est toujours pour moi un bonheur de me former auprès de Michel Faucon que j’admire beaucoup. Sa capacité de pédagogue mais aussi sa passion pour l’aromathérapie et la foi qu’il met pour faire avancer la réflexion. Je le remercie infiniment pour l’aide qu’il m’a apportée à la rédaction de ces chapitres un peu plus techniques. Ne voulant pas me tromper, je préfère demander au Maitre de relire. Puis, Michel a cette capacité de capter les mots en image de manière si désinvolte et drôle et toujours pertinemment. Je me régale à chaque fois.
J’espère bien interviewer Michel en 2022 et ainsi pouvoir vous présenter sa vision des approches sensorielles. Peut-on encore se contenter de prétendre qu’une seule perspective existe ? Michel a son idée sur la question mais apporte aussi un cadre académique de pharmacien aromatologue. Véritable ouverture d’esprit et parfois grand écart. Et puis, aucune certitude, jamais. Mais une grande envie de connaissance et d’avancer.
Aubance Essentielles : des huiles essentielles prometteuses
J’ai découvert ce superbe projet réalisé par 2 jeunes pères. Leur objectif est de créer quelque chose de beau, en respectant leur petit bout de terre. J’ai pu voir l’agroforesterie en action et la logique fondamentale qu’une Terre respectée respectera aussi l’Humain. Des huiles prometteuses issues de ce morceau de Terre choyé. Des huiles avec une belle personnalité tout en étant douces comme l’Anjou.
La cerise sur le gâteau de l’Anjou
Une autre belle rencontre dans ce fin fond de l’Anjou…. Une cerise sur le gâteau qui s’appelle Michel Pidoux. Et cette belle personne, je ne l’ai pas laissée s’échapper dans la nature. Cette rencontre est le début d’une autre belle histoire qui ne fait que commencer. J’aurai l’occasion de vous en reparler, ça c’est sûr !
Alors, que vous inspire cette menthe poivrée angevine ? Avez-vous envie de l’essayer ?
Dites-moi tout en commentaire.
Belle journée !