Dans ce dernier opus, je vous propose de découvrir deux huiles essentielles peu connues proposées par les Senteurs du Claut: laser de France Laserpitium gallicum et mélèze Larix decidua. Le travail que nous avons réalisé sur ces huiles, en les découvrant par le biais de l’olfaction, est encore une fois une preuve que les contours d’une huile peuvent aussi se définir ainsi. Une porte d’entrée vers le monde d’une huile essentielle peut décidément se faire grâce au nez. Et les ressentis qui sont liés à ce moment d’intimité entre l’huile et l’observateur ont un sens qu’il faut décrypter avec la biochimie.
Comme à chaque fois d’ailleurs, les impressions de chacun/ chacune se recoupent et permettent d’aborder l’huile un peu plus concrètement. Michel Faucon s’occupe de nous donner les informations scientifiques en nous proposant toujours ce travail comparatif avec la biochimie et ce qu’elle exprime avec les mots partagés au préalable.
1. Huile essentielle de Laser de France
1.1. Des mots pour décrire une odeur
Je vous délivre quelques mots (non exhaustifs) pour décrire les ressentis de l’odeur. Des mots prononcés par les participantes, qui se recoupent, se complètent et permettent de définir les contours de l’huile essentielle de laser de France.
Retour à la vie, calme, remet à la terre, bien dans ses cordes, guide le mental, chemin de la vie, je t’aide à voir le chemin. Il montre mais sans parler, tout est dans le geste et la discrétion.
Idée du fenouil, organe digestif, foin humide, eau stagnante, cocon, fœtus, corps enterré à même la terre, replié, œuf, bulle, cocon. Silence, calme. Rien ne passe et rien ne se passe. Posée. Eau et Terre.
Bouton STOP dans ma bulle. On est bien là. Chaleur terreuse, foin et soleil d’été.
Graines en dormance.
Subtilement élégant, yin, chemin vers soi, voile très fin, incite à la transformation
Acidulé, citron, conifère, résine, incite à la créativité
Boisé, ancestralité, piqué de notes agrumes, souvenirs du passé, il y a du mouvement dans l’odeur, élément terre puissant.
Une impression générale de puissance se dégage. Il y a une densité légère et douce, comme la torpeur de l’été. Une sensation un peu collante mais pas gluante: on adhère au sol. Quelque chose couve pour quelque chose qui va naître, renaitre. Il y une idée d’embrasement doux, comme l’inflorescence du Laser.
« L’odeur tient de la gomme-résine : même puissance sous-jacente. Il y a un appel intérieur, un chemin qui ramène à soi » dit Michel Faucon.
1.2. Huile essentielle de Laser de France : biochimie
Le laser de France fait partie de la famille des apiacées : c’est une plante rigide, solide et bien ancrée. Ce sont en général les sommités fructifiées qui sont distillées. Grandes plantes condimentaires très évoluées, elles parfument nos repas (anis, fenouil, aneth, etc.)
Nous n’avons pas eu accès à la chromatographie du laser de France que nous avons senti (Christophe ne l’a pas faite faire). Les informations ci-dessous sont des informations glanées dans la littérature scientifique et aromatique. Cependant, il est difficile de savoir sur quoi elles se basent. On peut imaginer un mélange entre relation structure – activité en rapport avec la molécule et un certain empirisme. Cela n’est d’ailleurs pas forcément faux.
Voyons tout de même ce que l’on peut en dire. Trois niveaux importants se dégagent de la biochimie.
1.2.1. Premier niveau: : monoterpènes
Monoterpènes (85%) : ils procurent cette force d’élévation tout en maintenant de toutes ses forces le lien à la terre. L’huile essentielle sautille autour de son fil qui la retient à la terre d’où cette idée de mouvement qui a pu être ressentie même si elle reste attachée à la terre. Elle sautille et aspire à cette force d’embrasement. Ici, il y a les alphas et les bêta-pinènes qui sont très présents. D’où également cette note résineuse.
1.2.2. Deuxième niveau: esters
Esters (10%): ce sont des molécules douces. L’acétate de terpinyle est un ester particulièrement doux et équilibré. On se pose et tout le monde l’a bien senti !
1.2.3. Troisième niveau : sesquiterpènes
Sesquiterpènes (2 à 57-70%*) : molécules lourdes à 15 atomes. Leurs odeurs caractéristiques rappellent les résines et le boisé qui ramènent au sol. Tel un effet gomme-résine, c’est le geste des sesquiterpènes, geste qui ramène à la terre et permet ensuite de se dématérialiser un peu (il y a de l’himachalène que l’on retrouve dans le cèdre de l’Himalaya).
*J’attire votre attention sur cette large fourchette relevée dans la littérature scientifique.
1.2.4. A l’état de traces : coumarines et monoterpénols
Coumarines: ce sont des molécules caractéristiques des ombellifères. A l’état de traces néanmoins dans ces informations trouvées dans la littérature. Il faut tout de même savoir que les coumarines ont un côté embrasant. Elles vont dans le sens d’une sédation du SNC et d’une fluidification sanguine. Et qu’il en suffit très peu.
Monoterpénols : ce sont des molécules Terre.
1.2.5. Double lecture : olfaction et information scientifique
Une olfaction attentive et suffisamment longue nous guide dans cette double lecture. Il est ensuite possible de lier le ressenti à l’information scientifique.
Avec le laser de France, il semble que l’on se situe entre la myrrhe et l’encens. Moins puissant certes mais il y a cette orientation. Des mots prononcés tels que « vieille église après la messe, ancestralité … », sont des éléments qui font penser à un climat plante gomme-résine avec une action longue et puissante des sesquiterpènes. Peu d’élément Air, on ne s’envole clairement pas. On est plutôt dans un enveloppement, dans une bulle ronde et féminine, dans un milieu aqueux.
Christophe confirme avoir procédé à une distillation douce et longue d’environ 4 heures. Il nous fournira la chromatographie de la prochaine production. Nous pourrons ainsi creuser davantage cet écart de fourchette des sesquiterpènes*.
Michel Faucon suppose que « les 2% de sesquiterpènes, évoqués dans la littérature, sont probablement issus d’une distillation pas menée suffisamment longtemps ou pas assez dans la douceur ».
1.2.6. Huile essentielle de Laser de France : propriétés et indications
1.2.6.1. Dépression et SNC
Comme la marjolaine à coquilles (Origanum majorana), le laser de France semble tonifier et calmer voire sédater à la fois. Son action sur le SNC est probante. Il y a une notion de tourner la page, de convalescence, de léger embrasement mais dans la douceur. On l’a bien senti.
Elle pourrait donc être indiquée dans les symptômes de dépression lorsqu’il y a des atteintes profondes. Le laser de France a un effet hypnotique, calmant et recentrant apportant cette notion de réassurance. « Elle nous imprègne réellement, nous ne sommes pas simplement dans l’anxiolyse mais dans une action plus profonde » dit Michel Faucon.
1.2.6.2. Affections cutanées
Flatulences, dyspepsie… Le côté condimentaire du Laser de France a été sentie par tout le monde. Les condiments ont une action sur la digestion physique mais aussi celles des évènements de la vie. Le Laser de France aurait une action donc sur le SNC mais aussi sur le système entérique avec son côté stomachique et digestif. Et nous savons que les affections cutanées sont une expression directe des désordres digestifs.
Michel Faucon ajoute que « ce que la littérature raconte a été ressenti à l’olfaction. Il y a une convergence avec ce qui a été rapporté ».
2. Huile essentielle de Mélèze (Larix decidua)
2.1. Mélèze, seul conifère à perdre son feuillage
Le mélèze fait partie de l’ordre des Coniférales au même titre que les pins, les sapins et les épicéas. Le geste des conifères peut être décrit ainsi : arbres enracinés, résistants et adaptables qui apportent de la verticalité. Il y a également une notion de sagesse, de grand âge, de grand-père voire d’ancêtre.
Son tronc présente une certaine rugosité, un aspect tortueux. Il cherche à s’adapter et à trouver la lumière. Son port est élancé, sa couleur vert tendre: l’apparence du mélèze est légère. Il pointe son nez vers le ciel. Il porte des petits cônes qui peuvent persister sur l’arbre de nombreuses années.
Ses aiguilles, mesurant de 3 à 4 cm, portées en verticilles sont souples. Elles ne piquent pas au toucher. Le mélèze est le seul conifère qui perd son feuillage à la fin de l’automne. Cette capacité à se dépouiller marque un cycle de l’évolution : à chaque cycle, il se dénude pour repartir et grandir l’année suivante.
2.2. Olfaction de l’huile essentielle de mélèze
Voici le récit de l’olfaction que j’ai faite avec l’huile essentielle de mélèze.
« D’abord, des odeurs de bois, de résine, l’idée d’un chalet et de grands espaces, très aérien. Je me trouve dans un conte, c’est pétillant, je me laisse surprendre par la fantaisie et m’émerveille de tant de beauté. C’est une odeur profonde qui descend vite. Je vois un puits comme dans les contes, un puits qui se dirige vers les profondeurs où est caché un trésor. Je suis irrésistiblement attirée vers le fond et j’y découvre avec joie et enthousiasme un monde intérieur et merveilleux, un monde magique. Ma Magie intérieure justement, comme si le Mélèze m’amenait directement à connecter avec mon âme, joueuse et tapie au fond de mon intériorité et qui ne demande qu’à être écoutée et entendue. L’huile se loge dans ma zone digestive mais avec une idée d’ancrage, une sensation de descente directe. Néanmoins, ce n’est pas une huile spirituelle mais de Conscience de Soi».
2.3. Huile essentielle de mélèze : biochimie
La biochimie du mélèze consiste principalement en une grosse boule de monoterpènes dont 70% d’alpha et beta pinènes. Par ailleurs, environ 10% de sesquiterpènes. Ce mix entre monoterpènes et sesquiterpènes laisse supposer en général que l’huile est puissante, qu’il y a beaucoup de force. Environ 9% d’esters également qui induisent donc l’idée de douceur et d’équilibre.
A l’état de traces, il y a des diterpènes (molécules lourdes à 20 atomes de carbone) qui sortent rarement à la distillation. En général, leur tropisme est endocrinien, oestrogénique et progestéronique. Qu’ils soient ici présents est encore un témoignage que la distillation a été bien menée. Ce qui intéresse Michel Faucon, « ce sont des gens comme Christophe qui tirent le maximum, les diterpènes voire les triterpènes, afin de faire un extrait le plus complet possible. Plus on distille correctement, plus il y aura de produit actif pour aboutir aux molécules qui soignent ».
Le mélèze bouscule et pourtant sa formule est assez basique. Ce sont peut-être les traces de diterpènes qui font la différence.
« Ce sont de grandes orientations, je les remets en cause, c’est tout à fait relatif »
Michel Faucon
2.4. Propriétés et indication du mélèze
2.4.1. Mélèze soutient le corps physique
Comme tous les grands conifères, il soutient le corps physique. Bon antiseptique et anti infectieux, il est recommandé dans les cas de pneumocoques ou bronchites. Très utile pour les fumeurs. Anti inflammatoire et analgésique, il peut être utilisé en cas de congestion du petit bassin. C’est un tonique respiratoire tout comme un cortisol like : surrénalien en cas de fatigue.
2.4.2. Mélèze permet la recomposition psychique
Le geste du mélèze commence dans le tronc tortueux. Il marque l’idée d’adaptabilité : il va chercher pour remonter et finir en beauté.
Il est tonique nerveux. En cas de manque de souffle, de tonus (manque de Qi), le mélèze permet une recomposition psychique pour retrouver de la force. Indiquée quand il y a des choix à faire qui induisent de la peur face au changement.
Il y a cette notion de persévérance, de stabilité et d’énergie tranquille. Elle évite toute forme de dispersion, donc est indiquée dans les troubles de l’attention et de la concentration. Elle peut convenir à des enfants présentant des troubles profonds de l’attention.
Fin de cet épisode aux Senteurs du Claut
Je sais que ce n’est pas facile de décrire par les mots ce que nous pouvons ressentir par voie olfactive. Mon travail consiste néanmoins en cela : donner à réfléchir sur des aspects qui pourraient bousculer et remettre en cause les grandes lignes générales qui ne sont plus si immuables que cela. Personne ne peut nier aujourd’hui que de plus en plus de situations ou évènements ne sont plus totalement explicables par la voie scientifique et rigoriste pure. Il y a en effet d’autres pistes à explorer. «Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien » colle particulièrement bien à cet article.
C’est encore un chouette moment que j’ai passé avec Michel Faucon aux Senteurs du Claut. Tout en alliant la découverte d’une belle distillerie d’huiles essentielles de bonheur, nous avons aussi beaucoup travaillé et confronté nos ressentis. Des moments toujours très riches et nourrissants. Dont je ne me lasserai jamais. Merci encore à Michel Faucon pour la passion qu’il met dans la préparation de cs échanges, il fait avancer le schmilblik, il n’y a pas de doute !
Et vous, que vous a inspiré cet article ? Connaissiez-vous les huiles essentielles du laser de France et du mélèze ? Avez-vous envie de les découvrir ? Dites-moi tout en commentaires.
Merci Johanne pour ce texte, cela fait du bien de se laisser guider par tes paroles et sentir de nouveau ces odeurs envoûtantes !
merci Sanja, c’est un bonheur de partager ces moments avec toi 🙂