Me voici arrivĂ©e au troisième chapitre dĂ©diĂ© Ă la distillerie des Senteurs du Claut. Premièrement, je vous ai prĂ©sentĂ© ici l’important concept de la cueillette de plantes sauvages vu selon Christophe Cottereau. Ensuite, je vous proposais de dĂ©couvrir le travail de distillation (avec vidĂ©o) ainsi que les cultures de plantes gĂ©rĂ©es sur place.
Dans ce troisième opus, j’aimerais faire un focus sur les magnifiques huiles essentielles de lavandes sauvages proposĂ©es par les Senteurs du Claut. Ces huiles sont de vraies merveilles olfactives, certainement parmi les plus belles productions françaises.
1. Huiles essentielles de lavande sauvage
La lavande sauvage d’altitude est le produit-phare des Senteurs du Claut. C’est une fleur emblématique de la région et requière beaucoup de travail, d’efforts et d’observation. Attention, ici, je parle toujours de la Lavandula vera ou Lavandula angustifolia. Soit lavande fine ou encore lavande vraie de ses petits noms français (lavande officinale serait issue plutôt de lavandes cultivées donc non sauvages).
Je vous invite d’ailleurs Ă relire l’article que j’avais Ă©crit sur les diffĂ©rentes lavandes ici.
Néanmoins, je vous propose un rappel succinct sur les propriétés thérapeutiques de la lavande telle que caractérisée précédemment.
1.1.1. Lavande : propriétés thérapeutiques
L’huile essentielle contient de nombreux esters qui lui confèrent de grandes capacitĂ©s spasmolytiques, notamment sur les crampes musculaires. Son action sur le SNC (système nerveux central) est avĂ©rĂ©e: elle protège, calme et apaise. Très indiquĂ©e en cas d’anxiĂ©tĂ©, d’angoisse ou de nervositĂ©. La lavande vraie est aussi une grande rĂ©gĂ©nĂ©ratrice cellulaire, son indication est très large pour toute sorte d’affections cutanĂ©es (Ă utiliser principalement par voie cutanĂ©e ou olfactive).
1.1.2. Différentes altitudes
Les Senteurs du Claut propose des huiles essentielles de lavande sauvage issues de différentes altitudes: 1.200, 1.400, 1.600 et 1.800 mètres d’altitude. Comme je l’ai déjà mentionné précédemment dans cette série, leur distillation se fait de manière échelonnée selon l’observation du stade de développement des sites. Leur cueillette est respectueuse de la plante. Une lavande située à 1.800 mètres aura son cycle légèrement décalé par rapport à une altitude de 1.200 mètres.
1.1.3. Huile essentielle de lavande sauvage : biochimie
Globalement, la lavande sauvage est composĂ©e d’acĂ©tate de linalyle (environ 40%, esters) et de linalol (30%, monoterpĂ©nols). Un peu de monoterpènes et quelques sesquiterpènes et cĂ©tones. Bon, jusque-lĂ , rien d’extraordinaire (façon de parler).Â
1.1.3.1. Altitude VS terre
On aurait tendance Ă penser que plus on monte en altitude, plus la concentration en acĂ©tate de linalyle sera Ă©levĂ©e (esters Ă©quilibrants). De manière opposĂ©e, on pourrait imaginer que plus on monte, moins il y aura de linalol (monoterpĂ©nols) qui reprĂ©sentent plutĂ´t un ancrage Ă la terre. L’altitude nous Ă©loigne bien de la terre et nous Ă©lève vers le ciel. Et pourtant ….Â
1.1.3.2. Acétate de linalyle (esters) VS linalol (monoterpénols)
Altitude | Taux d’acétate de linalyle (esters)(%) | Taux de linalol (monoterpénols)(%) |
1.200 | 32,54 | 27,7 |
1.400 | 32,32 | 27,97 |
1.600 | 32,54 | 27,7 |
1.800 | 33,94 | 28,36 |
On voit bien ici qu’Ă 1.800 mètres d’altitude, le taux d’acĂ©tate de linalyle est lĂ©gèrement supĂ©rieur. NĂ©anmoins, le taux de linalol (donc plutĂ´t ancrage Ă la terre) est lui aussi un chouĂŻa supĂ©rieur …
Le gĂ©nie de la lavande ne serait pas seulement l’acĂ©tate de linalyle, ester Ă©quilibrant apaisant que l’on lie Ă l’effet anxiolytique de la lavande, mais aussi le linalol ? Quelques Ă©tudes rĂ©centes semblent aller dans ce sens: le linalol serait un composant indispensable pour lutter contre les symptĂ´mes de l’anxiĂ©tĂ© et un outil indispensable Ă inclure dans les traitements.
Cela remet pas mal de choses en question. Le cĂ´tĂ© maternel et maternant de la lavande, que l’on attribuait sans hĂ©siter Ă ses esters, pourrait aussi ĂŞtre largement dĂ» au linalol, qui je le rĂ©pète est un monoterpĂ©nol, donc plutĂ´t ancrant…
Voyons maintenant les effets des diffĂ©rentes lavandes sauvages d’altitude en olfaction.
1.1.3.3. Olfaction des lavandes sauvages d’altitude
A chromatographies quasiment identiques, effets totalement diffĂ©rents Ă l’olfaction. En effet, les huiles essentielles de lavande sauvage sont olfactivement très diffĂ©rentes. Â
Lavande sauvage d’altitude 1.200 m
Les huiles essentielles d’altitude plus basse (soit 1.200 et 1.400 m) ont un côté plutôt physique plus prononcé. Et une odeur un peu plus sucrée et gourmande que celles situées plus haut.
Avec la 1.200 mètres, on se sent « allégé mais jamais dématérialisé ». Elle apporte calme et stabilité. «C’est propre, maîtrisé, contrôlé » dit Michel Faucon.
Lavande sauvage d’altitude 1.400 m
Quant Ă la 1.400 mètres, elle dĂ©gage une cohĂ©rence, une structure mais dans la souplesse et l’Ă©quilibre. On pourrait le rĂ©sumer ainsi: j’Ă©duque mais je suis souple. Par ailleurs, elle a un cĂ´tĂ© apaisant qui interroge, qui contacte une souffrance. Michel Faucon dit qu’« elle conviendrait parfaitement Ă un massage pour la kinĂ©sithĂ©rapie ».
Lavande sauvage d’altitude 1.600 m
Elle a tout d’abord un cĂ´tĂ© insaisissable: elle se dĂ©voile peu, elle est telle un nuage. Piquante et pointue, elle brouille les pistes. Puis elle se pose, se dĂ©finit, se redresse, se fait plus claire et s’allonge. Dans un geste de dĂ©ploiement, comme une fougère qui se dĂ©roule sur elle-mĂŞme, elle dit « vas-y redresse toi, ouvre le torse et respire. Et crois-y « .
Lavande sauvage d’altitude 1.800 m
En revanche, la 1800 mètres est beaucoup plus aĂ©rienne et Ă©thĂ©rĂ©e. Il y a une idĂ©e de multi-directions, une expansion puis un retour au centre, au cĹ“ur. Elle tient plus de la symphonie et de l’harmonie Ă©quilibrante. Son action sur le psycho-Ă©motionnelle semble beaucoup plus marquĂ©e que ses soeurs issues d’altitudes plus basses.
On voit bien que les effets dont différents. Et c’est le nez qui nous l’indique, encore et toujours.
Ces très belles lavandes
Bravo Ă toi, Christophe, de nous proposer ces très belles lavandes qui mettent en Ă©vidence le savoir-faire français et la grande richesse du terroir français d’oĂą sont issues les lavandes sauvages. Quant Ă vous, chers lecteurs (et lectrices!), que vous inspire cet article ? Avez-vous dĂ©jĂ imaginĂ© de telles diffĂ©rences olfactives alors que la plante est la mĂŞme ? La Nature n’a pas fini de nous surprendre. Dites-moi tout en commentaire, je serai heureuse de vous lire.
Dans le prochain et dernier Ă©pisode dĂ©diĂ© aux Senteurs du Claut, je vous parlerai de deux huiles essentielles que j’ai dĂ©couvert avec beaucoup de plaisir et qui sont encore assez peu connues. Alors, Ă bientĂ´t !