En juin 2022, j’ai participé à la 5e édition de la journée régionale d’aromathérapie clinique organisée par l’Établissement de Santé Baugeois-Vallée à Baugé-en-Anjou. J’y étais présente pour l’association Tamtam PhytoAroma principalement. Au programme de cette journée, des professionnels médicaux et soignants ont exposé leurs travaux en aromathérapie sur des sujets variés : infections urinaires, approche psycho-émotionnelle, prévention de l’épidémie de Coronavirus, gestion et soins des plaies…
Cependant, Michel Faucon intervenait lors d’une conférence destinée au personnel médical. J’en ai donc profité pour enregistrer son intervention, illustrant parfaitement le travail qu’il mène ainsi que sa méthode d’aromathérapie sensorielle.
1. Michel Faucon et sa vision du soin aux malades
Pour celles et ceux qui auront regardé la vidéo de l’interview de Michel Faucon, vous l’aurez beaucoup entendu parler du soin en hôpital (et si ce n’est pas fait, je vous invite à le faire ici).
1.1. Huiles essentielles dans les hôpitaux
Les huiles essentielles ont toute leur place dans les hôpitaux, s’intégrant aussi bien à titre curatif qu’en soin de support. Il faut donc voir l’aromathérapie comme un « complément thérapeutique », toujours à l’appui des thérapeutiques conventionnelles. Le développement d’une méthode structurée permettant la mise en œuvre de protocoles de soins médicalement validés est indispensable. L’intégration pleine et totale ainsi que l’investissement du personnel soignant dans cette démarche évolutive sont également indispensables.
La vision scientifique rigoureuse est importante pour l’entrée des HE à l’hôpital, les décideurs devant savoir pourquoi et comment mettre en place des protocoles d’utilisation des huiles essentielles dans les structures de soin. Comme dit Michel, « il faut être pratico pratique au pied du lit du malade tout en assurant l’efficacité dans le soin et la sécurité du malade ».
1.2. Ateliers d’olfaction au service du malade
1.2.1. Aide au diagnostic
La mise en place d’ateliers d’olfaction au service du malade peut servir d’aide au diagnostic, si l’on se réfère aux aspects psycho-émotionnels (en cas de maladie d’Alzheimer par ex). Par ailleurs, de nombreux ateliers mettant en œuvre l’olfaction permettent de lutter efficacement (et agréablement) contre les émotions négatives délétères. Outre une meilleure verbalisation, ils facilitent la communication, augmentent l’estime de soi dégradée par le grand âge, la douleur ou la maladie.
Ces ateliers facilitent l’engagement du patient dans leur traitement, et par conséquent à leur adhésion totale, pour une meilleure observance. Le malade, à l’heure de choisir une huile par son odeur, redevient en effet un peu acteur de ses soins grâce à l’approche « sensorielle », ce qui représente pour lui un grand bénéfice.
1.2.2. Outils thérapeutiques supplémentaires
L’usage des huiles essentielles offre au corps médical des outils supplémentaires pour gérer les urgences telles que : l’angoisse, les peurs diverses dont celle de la mort, le stress, la colère, l’anxiété à l’annonce de la maladie, etc.
Respirer une odeur peut apaiser considérablement. Elle peut aussi redonner un peu de joie, lutter contre mélancolie et tristesse. De plus, c’est un outil non invasif et donc facile à mettre en œuvre.
Néanmoins, il est indispensable que le personnel médical soit formé et informé à minima à l’aromathérapie car on ne peut pas « faire n’importe quoi, n’importe comment. C’est une question de responsabilité vis-à-vis des patients ».
2. Une méthode, deux paradigmes : la chimie et le ressenti olfactif
Nous le savons donc :
Une huile essentielle est constituée de molécules, qui donnent une idée de ses orientations thérapeutiques et de son rayon d’actions. Cependant, considérer seulement cet aspect analytique réduit l’huile à ses simples composants chimiques, alors qu’il ne faut pas oublier qu’elle a aussi une odeur riche d’informations utiles et capable de vertus psycho-émotionnelles puissantes.
L’odeur agit sur notre système limbique, soit notre centre émotionnel. Le ressenti olfactif d’une huile ne se réfléchit pas, elle ne se mentalise pas et pourtant, influence notre affect.
Ces deux paradigmes apparemment opposés, l’un analytique, l’autre sensoriel, peuvent se conjuguer pour aboutir à davantage de bénéfices pour les patients. Il reste pour cela indispensable d’élaborer sérieusement une méthode.
2.1. Une méthode pour l’hôpital
Tout d’abord, il est indispensable de développer une méthode sensorielle suffisamment sérieuse, capable d’autoriser des olfactions thérapeutiques à l’hôpital. Il est tout d’abord important que le personnel en charge des achats soit en mesure de reconnaître et de sélectionner une huile essentielle de qualité médicale. Pour cela, la chromatographie ne suffit pas : un nez bien entraîné demeure un outil très précieux !
Sans entrer trop dans le détail, car pour cela il faudrait plus que ces lignes, je vais tenter de vous donner les idées principales qui ont permis d’aboutir à cette méthode, celle que nous utilisons lors des stages d’approche sensorielle.
2.1.1. Observation directe par l’olfaction prolongée
Pour se mettre dans un état d’observation essentielle adéquat, il faut se mettre en mode réceptivité et pratiquer la suspension de tout jugement. Se concentrer sur l’odeur dans une belle intention, sur ce qu’elle nous donne à ressentir, ce qu’elle soulage, sur les souffrances qu’elle est à même de contacter et ce qu’elle évoque en nous. Il s’agit d’apprécier l’instant, de revenir ici et maintenant, un peu comme pour une méditation en pleine conscience.
La respiration doit alors être ventrale, lente et calme. Toute l’attention nécessaire y est portée.
2.1.2. Description d’une odeur et les ressentis olfactifs qu’elle génère
2.1.2.1. Description technique et structurée
Par quelques mots-clés objectifs (lourd, léger, chaud, froid, fleuri, fruité…), il s’agit de définir une odeur, d’établir une sorte de Carte d’identité olfactive de l’huile essentielle (par ex, HE Basilic tropical possède une odeur anisée caractéristique).
Cela vise à donner une première connaissance objective de la plante et de son odeur pour permettre la reconnaissance et l’identification de son HE, ainsi que la nature de sa qualité (qualité médicale … ou pas).
Les descripteurs utilisés doivent être simples, mais adaptés et précis, issus d’impressions intuitives: ça sent l’orange, ça sent l’herbe mouillée …
L’observateur est objectif, peu impliqué.
2.1.2.2. Description métaphorique
Il s’agit d’accéder plus profondément à la connaissance de l’« Être-plante », de déceler peut-être quelques propriétés fines (perception directe, intuition), à l’aide de descripteurs libres (métaphores de 2 types) :
Externe
L’observateur s’exprime par des images, essaie de positionner l’odeur à partir des éléments communs Terre, Air, Feu, Eau et bien connus de tous, auxquels on s’efforce de rapprocher intuitivement l’odeur. Il s’agit alors de faire une description qui restera encore superficielle.
L’observateur est objectif, et là encore, peu impliqué: « cette HE m’évoque une forêt de conifères », « cette odeur me rappelle un ruisseau d’eau claire » etc…
Interne
Ce sont des ressentis beaucoup plus intérieurs, souvent issus d’expériences de vie personnelles, heureuses ou douloureuses. Ils sont singuliers, généralement très subjectifs. C’est l’intime qui s’exprime alors, venu du plus profond de Soi. L’observateur est impliqué, impacté par l’odeur. Il rentre en interaction avec la plante et le « climat » de son HE.
Il est à préciser que plus l’olfaction pratiquée est longue, plus il est évident d’accéder aux profondeurs des différentes strates de ces ressentis.
2.1.3. Une cartographie
2.1.3.1. Mise en commun des ressentis
Ensuite, un retour d’olfaction, une mise en commun des ressentis de chacun permet de mettre à jour à partir de centaines de descripteurs (à la fois si différents et pourtant tellement semblables), les qualités statistiquement les plus marquantes de l’odeur. Ne ressentons-nous pas tous de la joie en respirant une odeur stimulante de citron ou d’orange douce, bien que ces odeurs soient pourtant appréciées si différemment par chacun?
2.1.3.2. Triangle des ressentis
A partir de la théorie classique d’Aristote des 4 éléments (air, eau, terre, feu) et de leurs 4 qualités (humide, froid, chaud, sec) desquels ces principaux descripteurs sont rapprochés, il sera possible de « dessiner une odeur » sur ce que Michel Faucon nomme « le triangle des ressentis ». Ensuite, cette esquisse graphique de l’odeur sera elle-même rapprochée du Triangle de Mailhebiau sur lequel figure la chimie de l’HE considérée.
2.1.3.3. Tableaux de bord moléculaire et sensoriel
Nous obtenons ainsi un double tableau de bord : l’un moléculaire et l’autre sensoriel, pour une connaissance accrue de la plante et de son HE. Par cette « objectivité seconde », obtenue à partir de l’ensemble des subjectivités de chacun, il sera possible de mieux appréhender l’HE, ses vertus et/ou sa toxicité ressentis, dans un langage commun.
Ces représentations graphiques, même si « elles sont bien imparfaites », me confiait Michel Faucon, permettent en tout cas discussions, questionnements utiles et bien des avancées…
Michel abouti à cette cartographie :
Je sais, ce n’est pas forcément aisé à comprendre quand on n’est pas initié à la méthode. Néanmoins, si vous êtes ici, c’est que l’aromathérapie vous intéresse. Je vous invite donc chaleureusement à découvrir le travail de Michel Faucon et de creuser celle-ci avec lui.
Bref, idem que dans mon premier article dédié à Michel Faucon, trêve de mots, et c’est parti pour la présentation filmée de Michel à la journée d’aromathérapie clinique de l’Hôpital de Baugé.
Dans le prochain et dernier article dédié à Michel Faucon (dans cette série du moins), je vous livrerai ma pensée personnelle par rapport à tout ce travail effectué depuis plusieurs années avec lui. Alors, restez connectés !