Dans le premier volet dĂ©diĂ© aux Senteurs du Claut, je vous ai prĂ©sentĂ© ici le projet crĂ©Ă© en 2004 par Sylviane et Alain, projet repris en par Christophe Cottereau, distillateur de bonheur. J’y Ă©voquais surtout le mĂ©tier de cueilleur, cher au coeur de Christophe.
Dans ce nouvel opus, je souhaite, premièrement, vous prĂ©senter comment se passe la distillation aux Senteurs du Claut. Pour ce faire, je vous propose une vidĂ©o illustrative (voir plus bas). Ensuite, j’aimerais vous donner quelques informations sur les cultures rĂ©alisĂ©es sur le domaine. Car la cueillette de plantes sauvages ne suffit pas, il faut mettre des plantes en cultures pour assurer une production rĂ©gulière.
1. Distillation aux Senteurs du ClautÂ
Le « rêve du distillateur est de garder l’intégrité moléculaire des essences fabriquées par la plante aromatique » commence Christophe. Cependant, pour obtenir des huiles essentielles vibrantes, il faut respecter certaines conditions (dont nous avons déjà parlé dans ce blog).
1.1. Vapeur sècheÂ
Tout d’abord, la vapeur sèche est primordiale pour respecter les essences. Si la vapeur est saturée en eau, des phénomènes d’hydrolyse (cassure des molécules en présence de trop grande quantité d’eau) vont avoir lieu au sein de l’alambic. Ce qui aura pour effet, de casser l’intégrité moléculaire des essences du végétal distillé, d’altérer certaines molécules actives fragiles.
Le devoir du distillateur est de tout mettre en œuvre pour que la vapeur ne soit qu’un moyen de transport des essences qui ne les dénature pas.




1.2. Alambic
L’alambic utilisé encore aujourd’hui a été imaginé, dessiné et usiné par Alain (le créateur originaire des Senteurs du Claut) et dimensionné pour conserver l’intégrité de la plante. La cuve de 1.000 litres peut recevoir en général de 80 à 300 kilos, selon la plante.
La vapeur est à 5 bars en sortie de chaudière et à son entrée dans la cuve, la pression est de moins d’1 bar et la vapeur à 96 degrés au cœur de l’alambic. La vapeur créée rentre en contact avec la masse végétale à basse pression ce qui permet une distillation en douceur. La cambrure du couvercle de la cuve empêche la condensation, donc une possible hydrolyse.
Chose curieuse : cet alambic n’a pas de serpentin. Celui-ci est remplacé par un ensemble de tuyaux verticaux concentriques entourant la cuve et les plantes. La vapeur condensée redescend donc par les côtés : sa surface d’échange est a priori plus grande qu’avec un serpentin classique.
Christophe est très « reconnaissant du travail incroyable réalisé par Alain et Sylviane dans l’imagination de l’alambic ».
NĂ©anmoins, quoi de mieux qu’une illustration en vidĂ©o ?
1.3. Discussion autour de l’organe producteur distillĂ©Â
Christophe cueille donc à la faucille mais il peut être amené à utiliser un sécateur pour le genévrier commun, ciste ladanifère, myrte, lentisque pistachier et résineux. Quand l’ONF procède à des coupes, il récupère un maximum d’aiguilles et un minimum de bois. Le sécateur permet de couper en détail les parties dont il a besoin.
1.3.1. Aiguilles vs bois : la Pruche
Pour obtenir un meilleur rendement, les distillateurs procèdent à des coupes de plus en plus grossières et mettent de plus en plus de bois. Mais le résultat est très différent. Le bois apporte des sesquiterpènes alors que les aiguilles principalement des monoterpènes. L’effet d’une Pruche (Tsuga canadiensis) dont on distille des rameaux à bois (donc bois et aiguilles) aura un effet de dématérialisation moins prononcé que si la distillation était expressément réalisée avec les aiguilles.
Le rendement est aujourd’hui malheureusement trop important au détriment de la qualité mais le nez ne se trompe pas. Selon Michel Faucon c’est « un point capital ».
1.3.2. Distillation des résineux
Christophe ne broie jamais de végétaux avant de distiller. Par ailleurs, il se rend compte de l’importance de « proposer des huiles thérapeutiques, le côté commercial fait trop souvent oublier l’importance de se focaliser sur le côté thérapeutique ».
Christophe procède Ă une distillation des rĂ©sineux longue et douce afin d’extraire jusqu’à la dernière goutte les molĂ©cules lourdes. Imaginez un peu : la vapeur doit se frayer un chemin au-travers de la cuticule Ă©paisse des aiguilles. « Seuls temps et douceur permettent cela » dit-il. Il prĂ©-fane les aiguilles avant de les distiller. Selon lui, procĂ©der ainsi avec les rĂ©sineux permet de diminuer la durĂ©e de distillation: 5 Ă 8 heures (au lieu de 10 Ă 12 heures).
A la question de Michel Faucon : « Le pré-fanage influence t’il la qualité de l’huile ? », Christophe répond en toute sincérité qu’il « n’a jamais eu vent d’études allant dans ce sens ». Mais qu’il agit « selon sa lecture et son intuition ». Ce qui a priori lui réussit !
2. Cultures aux Senteurs du Claut Â
Les plantes en culture reçoivent l’intervention de la main de l’Homme qui décide de la conduite à tenir en termes d’agroforesterie, de gestion de la fertilité des sols etc.
Les cultures aux Senteurs sont organisées en restanques situées sous les oliviers. Les oliviers fournissent de l’ombre et permettent la remontée d’éléments minéraux du sol. Une impression de belle synergie règne en tout cas lorsque l’on se balade au milieu des rangs. Christophe garde le reliquat de distillation, appelé aussi le gâteau ou paille : ces résidus végétaux sont disposés au pied des cultures pour servir de paillage. Il fait en sorte d’utiliser le moins d’eau possible. L’enjeu de fertilité des sols est crucial et par là , la rétention d’eau primordiale.




2.1. Menthe poivrée
Christophe scrute la météo avec attention. « S’il pleut, je ne cueille pas la menthe poivrée car je souhaite qu’elle soit en stress hydrique ». La plante crée ainsi des essences pour se protéger.
De plus, lorsque la période de récolte s’approche Christophe coupe volontairement l’irrigation pendant une semaine pour mettre la plante en situation d’adversité.
3. Les hydrolatsÂ
Christophe stocke ses hydrolats dans des bidons inox destinés en principe aux oléiculteurs. Il applique ce principe de base de : 1 litre d’hydrolat par kilo de plante distillée. S’il distille 60 kilos, il gardera 60 litres d’eau florale.
3.1. Discussions autour de la conservation des hydrolats
Les hydrolats sont des produits aqueux donc, par définition, sujets à prolifération bactérienne. Une filtration à 0,2 microns permet néanmoins une stabilisation du produit.
Néanmoins, selon Michel Faucon, il serait préférable d’encapsuler, conditionner et sertir l’hydrolat tout de suite après filtration. Néanmoins, cela suppose une place de stockage bien supérieure à celle en bidons. Par ailleurs, Michel Faucon préconise de déposer en surface des hydrolats deux gouttes de l’huile essentielle correspondante, celle-ci créera ainsi un microfilm protecteur en surface. Il précise aussi que « l’hôpital achète les hydrolats en grande quantité, c’est un problème majeur d’avoir des hydrolats stériles ».


VoilĂ , cette deuxième partie s’achève. Pour les prochaines, nous rentrerons dans le dĂ©tail de 3 huiles essentielles très intĂ©ressantes et très jolies: deux d’entre elles peu connues mais Ă dĂ©couvrir de toute urgence !